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22 mai 2024

Pourquoi les propositions de Biden ne feront que renforcer le Hamas, par Meir Ben Shabbat

Israël n'est pas entré en guerre pour trouver un remplaçant au Hamas, mais pour le détruire.

Meir Ben Shabbat

En outre, il n'est pas du tout évident qu'imposer l'"Autorité palestinienne", qui, outre ses nombreux défauts, permettrait également la survie et le rétablissement du Hamas, soit préférable à d'autres solutions.

"Les Israéliens vont potentiellement hériter d'une insurrection avec de nombreux membres armés du Hamas ou, s'ils partent, d'un vide rempli par le chaos, l'anarchie, et probablement rempli à nouveau par le Hamas. Nous leur avons parlé d'une bien meilleure façon d'obtenir un résultat durable, une sécurité durable", a récemment déclaré le secrétaire d'État Antony Blinken, critiquant la conduite d'Israël à Gaza. "Nous n'avons pas vu de plan israélien pour empêcher cette situation", a-t-il ajouté. Des remarques similaires sont attendues de la part de Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, qui entame sa visite en Israël cette semaine.

On pourrait en dire autant de la réalité dans le nord de la Samarie. Il y a longtemps que nous ne comptons plus le nombre d'opérations menées à Jénine et dans la région de Tulkarem. Nos forces s'y rendent, arrêtent ou éliminent des cibles, puis se retirent, avant de voir les éléments terroristes revenir à la charge, obligeant les FDI et le Shin Bet à y retourner et à y opérer dans un cycle ininterrompu. Néanmoins, personne dans l'establishment politique ou sécuritaire n'a douté de la nécessité d'une telle action.

Cela s'applique également au théâtre des opérations en Cisjordanie, où les FDI ont passé la région au peigne fin, et plus encore à la bande de Gaza, où notre activité s'est jusqu'à présent concentrée sur le contrôle opérationnel et le démantèlement des structures militaires du Hamas, mais pas sur un nettoyage complet de la zone.

Le coup porté par les FDI au Hamas est certes douloureux, mais il est loin d'être fatal. Son ordre de bataille comprend encore des milliers de combattants, des munitions et des armes, ainsi que des kilomètres de tunnels. Les commandants et chefs de bataillon décédés ont des adjoints et, en tout état de cause, le Hamas sait comment passer facilement d'un système semi-militaire à un mode flexible et mobile permettant le terrorisme et la guérilla.

Il tire des roquettes presque quotidiennement, démontrant ainsi son contrôle et sa gouvernance, ainsi qu'un haut niveau de coordination entre ses principaux éléments de commandement ; cela peut également être déduit de la manière dont les négociations sur les captifs sont menées. Dans une telle situation, le débat sur le "jour d'après" s'apparente à une dispute sur la peau d'un ours qui n'a pas encore été chassé.

Servir la vision de Biden

Dès le mois de février, dans un document publié par le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahou et exposant les principes du jour d'après la guerre, il était indiqué qu'"une condition nécessaire pour atteindre le jour d'après est que Tsahal poursuive la guerre jusqu'à ce que ses objectifs soient atteints : la destruction des capacités militaires et des réseaux de direction du Hamas et du Djihad islamique palestinien". Le même document fournit également des orientations sur la gestion des affaires civiles dans la bande de Gaza après l'effondrement du régime du Hamas : "Dans la mesure du possible, l'administration civile et la responsabilité de l'ordre public seront confiées à des éléments locaux ayant une expérience de la gestion, qui ne seront pas identifiés à des États ou à des organismes soutenant la terreur et qui ne recevront pas de salaires de leur part. A l'heure actuelle, il n'existe aucune entité qui pourrait gouverner sans se soumettre aux diktats du Hamas.

Du point de vue américain, la discussion sur le "jour d'après" vise à amener Israël à reconnaître l'inutilité de la guerre et à le pousser vers une solution qui sera présentée comme un moindre mal mais qui servira la vision du président Joe Biden d'établir un nouvel ordre régional, y compris un Etat palestinien.

La vérité doit être dite : Il n'y a pas de bonnes options à Gaza. S'il y en avait, elles auraient été mises en œuvre à l'occasion de l'une des nombreuses opportunités qui se sont présentées au cours des années de conflit. Néanmoins, Israël n'est pas entré en guerre pour trouver un remplaçant au Hamas, mais pour le détruire. C'est l'objectif, pas le moyen. En outre, il n'est pas du tout évident qu'imposer l'"Autorité palestinienne", qui, outre ses nombreux défauts, permettrait également la survie et le rétablissement du Hamas, soit préférable à d'autres solutions.

Aucune entité ne peut remplacer le Hamas sans son consentement

Il n'est pas nécessaire d'être un expert en renseignement pour comprendre que, compte tenu de l'équilibre actuel des pouvoirs à Gaza, aucune entité ne peut remplacer le Hamas dans l'administration civile de la bande sans son consentement. Cela vaut pour l'"Autorité palestinienne", le "camp Dahlan", les "ministres technocrates" ou les chefs de "clans" locaux. Le Hamas, pour sa part, ne devra accepter un tel arrangement que s'il n'a pas le choix ou s'il le conçoit comme un "gouvernement fantoche" qui lui fournit une couverture pour son pouvoir et une protection pour son renforcement militaire.

C'est dans ce contexte qu'il faut considérer la déclaration d'un haut responsable du Hamas selon laquelle "nous serons prêts à soutenir un gouvernement national (palestinien) de consensus à Gaza et en Cisjordanie, mais nous ne devrons pas nécessairement en faire partie".

Dans ce cas, Israël paierait deux fois : non seulement le Hamas se renforcerait sous la couverture de la nouvelle administration, mais il aurait également du mal à agir contre cette administration, de peur d'être accusé par la communauté internationale de saper les efforts visant à établir un "gouvernement alternatif au Hamas".

Israël doit également tirer les leçons de ses trois décennies de relations avec l'Autorité palestinienne. Israël a déjà transféré le contrôle de Gaza à l'Autorité palestinienne par le passé. L'idée qu'il va maintenant réussir là où il a déjà échoué repose davantage sur les vœux pieux de ses partisans que sur une base factuelle. L'Autorité devrait son retour à Gaza au Hamas, et non à Israël. C'est ainsi que le public palestinien le percevrait, et son attitude à l'égard de l'Autorité en découlerait. C'est cette même Autorité qui ne peut contrôler Jénine et le nord de la Samarie et qui serait probablement incapable de relever les défis en matière de sécurité, même contre elle-même, s'il n'y avait pas les FDI et le Shin Bet.

Du point de vue d'Israël, c'est la même Autorité qui n'a pas condamné le massacre du 7 octobre. Elle dirige les efforts visant à accuser Israël de crimes de guerre, perpétue la lutte contre Israël au sein de son peuple, incite à la terreur et continue d'inculquer la haine des Juifs dans ses écoles. Compte tenu de cette réalité, les discussions sur l'extension de sa sphère de contrôle à Gaza sont déconnectées de la réalité.

Certains milieux caressent l'idée de confier la bande à Mohammed Dahlan, avec le soutien des Émirats arabes unis et d'autres pays. Sans même s'attarder sur la doctrine politique de Dahlan et les défis qu'elle pose à Israël, il est clair qu'il serait lui aussi dépendant du Hamas et que les considérations relatives à sa prise en charge sont similaires à celles concernant l'Autorité palestinienne. L'idée des "clans", destinée à contourner le Hamas par le biais d'éléments locaux, a échoué et a démontré le contrôle absolu du groupe terroriste sur la région.

Les conditions ne sont pas encore réunies

Compte tenu de cette situation, force est de constater que même après sept mois, les conditions nécessaires à l'établissement d'une alternative au pouvoir du Hamas ne sont pas encore réunies. Du point de vue d'Israël, la question du "jour d'après" à Gaza est secondaire par rapport à l'objectif le plus important : détruire les capacités militaires et de gouvernement du Hamas et rétablir la dissuasion israélienne. Israël ne doit pas se laisser tenter par des propositions qui donnent l'apparence d'une solution tout en laissant le problème intact.

Pour atteindre le "jour d'après", le rythme des combats doit être accéléré et l'intensité accrue : à Rafah, dans les camps centraux et dans les zones où l'activité du Hamas a repris. Il est crucial d'agir contre ses mécanismes de gouvernance, qui n'ont subi que des dommages mineurs jusqu'à présent, et, ce qui est tout aussi important, d'écraser son quartier général à l'étranger.

Par-dessus tout, il est essentiel d'atténuer les conflits internes à tous les niveaux et à tous les échelons. La guerre bat son plein et personne ne sait comment elle peut évoluer sur chaque front. Pour réussir, il est essentiel de préserver la cohésion.

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Références :

Israel's dangerous trap: Why Biden's day-after proposals will only bolster Hamas, traduction Le Bloc-note

Par Meir Ben Shabbat, Israel Hayom, le 20 mai 2024

Meir Ben Shabbat dirige le Misgav Institute for National Security & Zionist Strategy, à Jérusalem. Il a été conseiller à la sécurité nationale d'Israël et chef du Conseil de sécurité nationale entre 2017 et 2021. Avant cela, il a travaillé pendant 30 ans au sein du Service général de sécurité (l'agence de sécurité Shin Bet ou "Shabak").