M. Ben-Menachem estime que des concessions aussi importantes et significatives à ce stade laisseraient au Hamas, outre la plupart des otages, un levier de pression très important sur Israël pour poursuivre son action.
Yoni Ben-Menachem |
Ben-Menachem a également noté que les
responsables du Hamas tentent de réduire l'enthousiasme d'Israël et de Blinken,
le secrétaire d'État américain qui se trouve actuellement en Arabie Saoudite.
Dans cette analyse, M. Ben-Menachem a également fait référence aux déclarations
de M. Blinken de ce matin, où il présente l'offre égyptienne comme généreuse :
le Hamas devrait l'accepter et les États-Unis espèrent qu’il prendra une
décision rapidement.
Pour Ben-Menachem, le message glaçant du Hamas, de la bouche de Rishek, signifie "qu'Israéliens, Américains ou Égyptiens essaient de le mettre sous pression et de le pousser à conclure cet accord". Le Hamas, pour sa part, dit qu'il n'est pas pressé d'arriver à quelle conclusion que ce soit".
M. Ben-Menachem a souligné que personne ne
sait vraiment lles réserves présentées par Israël à la délégation des services
de renseignements égyptiens qui a eçu sa proposition. Seule une publication de
Yaron Avraham affirme qu'Israël serait prêt à se retirer du corridor de Netzarim.
À ce sujet, Ben-Menachem a déclaré : "Je ne pense pas que cela ait
beaucoup de sens, car c'est l'une des cartes d'Israël. Le corridor coupe la
bande de Gaza en deux et bloque le passage des personnes déplacées depuis le
nord de la bande de Gaza et retour.
Il permet d'exercer une pression très forte
sur le Hamas. Nous parlons de 20 à 40 otages qui seront libérés sur 133. Ce
chiffre n'est pas définitif car le Hamas affirme qu'il lui sera difficile de
s'engager sur 40 otages vivants, qu'il n'a pas exactement le contrôle et qu’il ne
sait pas ce qui se passe avec les otages qui ne sont pas détenus par lui. Le
Hamas est prêt à s'engager pour 20 otages seulement".
D'autre part, Ben-Menachem précise
qu'"Israël exige, selon les données du renseignement dont il dispose, au
moins 33 otages. Même si, dans le meilleur des cas, le Hamas rendait 33 otages
vivants, cela signifierait que 100 otages israéliens resteraient entre ses
mains".
M. Ben-Menachem estime que des concessions
aussi importantes et significatives à ce stade laisseraient au Hamas, outre la
plupart des otages, un levier de pression très important sur Israël pour poursuivre
son action. Il reconnaît leur motivation et le fait que leurs exigences
fondamentales sont l'arrêt complet de la guerre par Israël et le retrait
complet de la bande de Gaza. Cela signifie qu'ils resteraient au pouvoir et que
la situation reviendrait au 6 octobre.
Si c'est effectivement le cas, pour Ben-Menachem,
"ils ont assassiné 1.400 Israéliens, nous avons perdu plusieurs centaines
de soldats et des milliers de blessés dans la guerre, et à la fin ils ont
gagné, parce qu'en échange de 33 otages (pour être très optimiste), nous
libérerons des centaines de terroristes, y compris des meurtriers extrêmement
dangereux".
Il a souligné qu’il y aura très probablement dans
la liste des prisonniers des personnes encore plus dangereuses que Sinwar, par
exemple Abdullah Barghouti, qui purge 67 peines de prison à vie dans une prison
israélienne. M. Ben-Menachem a poursuivi : "Si l'on fait le bilan de cet
accord, il s'agit d'une défaite, la pire qui soit pour Israël. En effet, la
plupart des otages restent entre leurs mains, et il ne nous reste aucun moyen
de pression." Il estime que les chances d'un accord sont de 50 %. En ce
qui concerne l’arrêt de la guerre apparemment accepté, il a déclaré que
"c'est quelque chose que chacun peut interpréter comme il veut".
L'implication
de l'Égypte dans le conflit entre Israël et le Hamas
En ce qui concerne l'Égypte, M. Ben-Menachem
a déclaré : "Ils ont vu comment Tsahal a attaqué lorsque la guerre a
commencé. Dans le nord de la bande de Gaza, nous avons largué des bombes et
éliminé de nombreuses personnes. Je ne sais pas si les chiffres palestiniens
sont exacts et il se peut qu'ils soient exagérés, mais il ne fait aucun doute
que nous avons tué un nombre important de personnes là-bas. Les Égyptiens ont
vraiment peur qu'il y ait un passage forcé de milliers de réfugiés".
Selon lui, les Égyptiens pensent que le Hamas
veut compliquer les choses en poussant les personnes déplacées à franchir la
clôture et à se rendre sur leur territoire. "Cela s'est déjà produit par
le passé, se souvient-il, il y a quelques années, ils ont franchi la clôture
par la force et les Égyptiens ont dû leur tirer dessus.
Ben-Menachem pense que les Égyptiens ne
seront pas en mesure d'arrêter les milliers de Palestiniens qui se déplaceront
par peur des bombes ou que le Hamas poussera. "Les Égyptiens ne pourront
pas ouvrir le feu et tuer des milliers de Palestiniens pour éviter que ces
derniers ne pénètrent sur le territoire égyptien. Cela crée déjà un très gros
problème pour le président égyptien. Cela déstabiliserait immédiatement l’équilibre
interne de l'Égypte. Le Hamas fait partie du mouvement des Frères musulmans,
qui est le principal mouvement d'opposition au président El-Sisi, et qui tente
de le renverser. Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, il les a éliminés par la
force et les a mis hors-la-loi. Aujourd'hui, ils sont considérés comme une
organisation terroriste en Égypte".
Ben-Menachem compare ce qui se passe depuis
un mois en Égypte avec ce qui se passe en Jordanie et il affirme que le roi
Abdallah a perdu le contrôle : "Les Frères musulmans et le Hamas
organisent d'énormes manifestations en Jordanie et ils menacent ouvertement le
roi Abdallah dans son pouvoir. En Égypte, on a peur que tout soit sous la férule
des forces de sécurité égyptiennes, qui procèdent à des arrestations
préventives et empêchent par la force la cocotte-minute d'exploser. Cela
provoquerait d'immenses manifestations en Égypte, qui pourraient faire tomber le
pouvoir. La majorité arabe sympathise à 100 % avec le Hamas et déteste Israël.
Elle est opposée aux accords de paix. Les dirigeants, quant à eux, jouent le
jeu des Américains, car ils en ont besoin. L'Égypte, par exemple, a besoin
de l'aide militaire et économique de l'Amérique, sans laquelle elle
s'effondrerait, le gouvernement égyptien s'effondrerait". En outre, M.
Ben-Menachem estime que les Égyptiens maîtrisent mieux la situation interne que
les Jordaniens. Le président El-Sisi craint que si les Gazaouis entrent en
Egypte, il y ait un massacre et que les médias du Hamas et du Qatar le couvrent.
M. Ben-Menachem souligne un autre espoir des égyptiens : "Ils ont également
besoin de l'aide d'Israël, pour faire pression sur le Congrès et le Sénat en
leur faveur". Cela découle de la coopération en matière de sécurité entre
Israël et l'Égypte.
En outre, M. Ben-Menachem a révélé les
conversations qu'il a entendues chez des responsables de la sécurité :
"Les Égyptiens ont tout simplement peur que leur nudité soit révélée au
public, car dès que les FDI s'empareront de l'axe Philadelphie, elles
découvriront les tunnels qui se trouvent en dessous et qui sont utilisés depuis
des années pour introduire clandestinement des armes à partir de l'Égypte. Les
Égyptiens affirment qu'il n'y a pas de contrebande sous l'axe Philadelphie,
qu'il n'y a pas de tunnels, qu'en 2012 ils les ont inondés l'eau et tous
fermés. Il s’agirait d'inventions israéliennes pour occuper Rafah".
Ben-Menachem a souligné qu'un responsable
israélien de la sécurité a déclaré qu'il y avait 130 tunnels sous l'axe de
Philadelphie, "Je ne sais pas si c'est vrai ou si c'est de la propagande
israélienne, mais Israël insiste sur le fait qu'il y en a. Les Égyptiens
craignent que si Israël s'empare de ces tunnels, ce soit pour eux un coup dur au niveau mondial, étant donné leur insistance à dire qu'il n’y en a pas et que
tout n'est que mensonges israéliens. Ils pensent qu’à voir comment Israël se
conduit et se bat, en fin de compte, il ne vaincra pas le Hamas. Si le Hamas
reste au pouvoir dans la bande de Gaza, les Égyptiens risquent de payer un
lourd tribut. Jusqu'en 2017, le Hamas a participé à des attaques contre la
police et l'armée égyptienne à l'intérieur du territoire égyptien, en compagnie
des Frères musulmans et la branche Daesh du nord du Sinaï. Ils ont même été
complices dans une agression très connue contre le procureur général
égyptien."
Il conclut : "Cette coopération entre le
Hamas, les Frères musulmans et Daesh contre le pouvoir d'al-Sisi a beaucoup
inquiété les Égyptiens". En 2017, Sinwar a été élu à la tête du Hamas et il
a conclu un accord avec les services de renseignement égyptiens stipulant que son
bras militaire mettrait fin aux attaques sur le territoire égyptien et, qu’en
contrepartie, le passage de Rafah soit disponible de manière continue pour les
personnes et les marchandises. Ce serait une porte ouverte au Hamas vers le
monde extérieur. Sinwar a tenu son engagement envers les Égyptiens. S'il reste
au pouvoir, il devra rendre compte à l'Égypte de tout ce qui s'est passé. S'il
sort victorieux de la guerre, il reviendra au terrorisme, avec les Frères musulmans
et lDaesh contre le pouvoir d'al-Sisi. Les Égyptiens ne voient pas de véritable
détermination israélienne d’éliminer le Hamas. Ils sont très inquiets à ce
sujet."
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Références :
'Egyptians
don't see Israeli determination to defeat Hamas,' Mid. East expert says, traduction Le
Bloc-note
Interview de Yoni
Ben-Menachem, Jerusalem Post, 2 Mai 2024
Yoni Ben-Menachem est journaliste. Il a
précédemment occupé le poste de PDG de l'Autorité
israélienne de radiodiffusion et de directeur du réseau de radiodiffusion Voice of Israel. Il a servi dans les
services de renseignement israéliens et il a été démobilisé avec le grade de capitaine.
Il a ensuite obtenu une licence en langue et littérature arabes et une maîtrise
en études de l'Asie de l'Est. Il parle couramment l'arabe dans plusieurs
dialectes.
Ben-Menachem a été
le premier journaliste à interviewer Yasser Arafat avant les accords d'Oslo et il
a couvert, entre autres, les contacts politiques d'Israël avec les
Palestiniens, avec la Syrie, dans le mémorandum de Wye River, les accords de
Camp David, etc. Aujourd'hui, il est chercheur au Jerusalem Center for Public Affairs, commentateur sur les chaînes
de médias arabes et conférencier sur le thème du Moyen-Orient.
Il est également
consultant en matière de crises politiques, de renseignement et de terrorisme.
Ses compétences, son expérience et sa connaissance approfondie des nuances du
Moyen-Orient lui permettent d'analyser la réalité et les défis auxquels Israël
est actuellement confronté. Maariv lui a demandé de contribuer de son point de
vue, en particulier pour comprendre l'Égypte en tant qu'acteur dans le tissu
global des intérêts de la région.