Les excuses de l'administration aux arabo-américains pour son soutien à l'effort d'éradication du Hamas constituent une trahison d'Israël.
Jonathan S. Tobin |
Accompagné d'une délégation de hauts
fonctionnaires, dont l'ambassadrice du président Barack Obama auprès des
Nations unies et l'actuelle administratrice de l'Agence américaine pour le
développement international, Samantha
Power, M. Finer s'est rendu la semaine dernière à Dearborn, dans le
Michigan, pour y rencontrer des dirigeants arabo-américains. Ce qu'il a dit, selon
le New York Times confirmé par la Maison Blanche, devrait choquer les
démocrates qui sont convaincus que les relations entre les États-Unis et Israël
sont entre de bonnes mains tant que le président Joe Biden est en fonction.
Le message de Finer aux Américains d'origine
arabe était un message de contrition. "Nous sommes tout à fait
conscients que nous avons commis des erreurs en répondant à cette crise depuis
le 7 octobre", a déclaré M. Finer. Il a déclaré que
l'administration était désolée pour ses messages et sa politique après les
massacres du 7 octobre, au cours desquels des terroristes du Hamas ont
assassiné plus de 1.200 hommes, femmes et enfants dans le sud d'Israël. M.
Biden a déclaré sans détour que les États-Unis soutenaient le droit d'Israël à
se défendre, mais aussi la cause de l'éradication du Hamas.
Sans désavouer directement ces positions, M.
Finer a déclaré que "nous avons
laissé une impression très préjudiciable basée sur ce qui a été un compte-rendu
public tout à fait inadéquat de l'importance que le président, l'administration
et le pays accordent à la vie des Palestiniens. Et cela a commencé,
franchement, assez tôt dans le conflit".
La
révolte des progressistes
Tout en approuvant les objectifs de guerre
d'Israël et en maintenant l'approvisionnement en armes nécessaires à la
poursuite du conflit, Joe Biden et le secrétaire d'État Antony Blinken ont
exprimé publiquement, dès le début,
leurs préoccupations concernant la sécurité des civils palestiniens à Gaza. Ils
ont cherché à retarder, puis à entraver les efforts des forces de défense
israéliennes pour éliminer les terroristes. Il est donc difficile d'imaginer
pourquoi Finer a pensé qu'il devait s'excuser du fait que Biden n'accordait pas
d'importance à la vie des Palestiniens.
Mais alors que ses sondages continuent de
s'effondrer et que l'on s'interroge de plus en plus sur son âge et sa capacité
à diriger, Joe Biden ne peut se permettre d'ignorer la révolte ouverte contre
sa politique pro-israélienne au sein du Parti démocrate, qui englobe des responsables
de rang inférieur, des membres du Congrès et des collaborateurs de la campagne
de réélection du président, ainsi que la base militante de gauche qui fournira
la plus grande partie de l'énergie et des volontaires pour faire voter les
électeurs cet automne.
C'est ce qui explique l'emploi très
inhabituel d'assistants de haut niveau dont le travail consiste à mettre en œuvre
la politique étrangère de la nation dans une mission manifestement politique.
Il n'y a tout simplement pas d'autre explication à l'envoi de Finer et de Power
auprès d'un électorat démocrate clé dans
un État clé. Il s’agissait de s'excuser de soutenir Israël, mais aussi d’exprimer
le désir de l'administration d’honorer les Palestiniens en leur accordant un
État indépendant une fois les combats terminés, alors qu’ils ont déclenché une
guerre et commis le plus grand massacre de Juifs depuis l'Holocauste.
M. Biden et son équipe de politique étrangère
continuent de promouvoir la proposition de création d'un État, pour laquelle
les Palestiniens n'ont manifesté aucun intérêt en plusieurs circonstances. Ils
l’associent à un projet tout aussi fantaisiste où l'Arabie saoudite défierait l'opinion
musulmane internationale et ses penchants à la prudence, pour normaliser ses
relations avec Israël. Mais l'envoi de Finer pour faire plier le genou au maire
de Dearborn et à d'autres militants arabo-américains locaux avait surtout pour
but de laisser entendre que l'escalade des critiques à l'égard d'Israël de la
part de l'administration était peut-être sur le point de se traduire par un
changement de politique.
Il ne s'agit pas seulement du fait que les
États-Unis continuent de pousser les négociations en vue d'un accord d'échange
des otages restants contre un cessez-le-feu qui pourrait ou non permettre au
Hamas de survivre à la guerre en tant que vainqueur plutôt que d'être éliminé.
Plus encore, alors que les forces de défense israéliennes s'apprêtent à se
rapprocher de Rafah, le dernier bastion majeur du Hamas à Gaza, les pressions
américaines sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son
gouvernement de coalition sont plus fortes que jamais.
Salir
l'effort de guerre d'Israël
L'affirmation de M. Biden selon laquelle la
campagne d'Israël à Gaza a été "excessive", ainsi que l'accusation
diffamatoire du secrétaire d'État américain Antony Blinken pour qui la campagne
d'Israël à Gaza déshumanise ses ennemis, sont des déformations scandaleuses de
la vérité. Les experts militaires que j'ai entendus lors de ma visite en Israël
reconnaissent tous que, tout au long de la campagne, l'armée israélienne a été
confrontée à des défis qu'aucun autre pays belligérant moderne n'a eu à
relever. La guerre urbaine à Gaza a opposé les Israéliens à un ennemi
génocidaire qui s'est retranché dans et sous les quartiers civils, construisant
des fortifications qui ont transformé toutes les maisons des zones urbaines en
champs de bataille. Le Hamas a tout fait pour sacrifier les civils palestiniens
et augmenter le nombre de morts dans ce conflit. Comparée aux efforts
américains en Irak ou dans les guerres du passé, la conduite de Tsahal a été
exemplaire, et toute accusation selon laquelle Tsahal violerait les règles de
la guerre contre un ennemi qui en fait autant à chaque minute est tout
simplement fausse.
En effet, comme l'a souligné l'historien Lord
Andrew Roberts, le plus grand historien militaire actuel, dans un discours
prononcé la semaine dernière à la Chambre des Lords, le taux de mortalité des
combattants civils dans la guerre urbaine en cours, qui est de 2 pour 1, est
bien inférieur à celui de toutes les guerres modernes enregistrées et
témoigne des efforts déployés par les forces de défense israéliennes pour
éviter de blesser des civils chaque fois que cela est possible.
Jamais auparavant dans les annales de la
guerre une armée n'était allée aussi loin qu'Israël à Gaza [dans la protection
des civils] et pas seulement en ce qui concerne les règles d'engagement
restrictives imposées à ses soldats qui ont facilité le combat du Hamas. Israël
a également autorisé l'acheminement de carburant, de nourriture et de
médicaments dans les zones contrôlées par l’ennemi afin d'assurer le bien-être
des Palestiniens, même si le monde entier sait qu'une grande partie de ces livraisons
est subtilisée par les terroristes. Le Hamas ne se contente pas d'utiliser les
civils palestiniens comme boucliers humains, il s'assure également qu'ils
souffriront même si leur ennemi leur donne les moyens de survivre.
Jusqu'à présent, la politique du gouvernement
Netanyahou a consisté à répondre du bout des lèvres aux attaques de M. Biden
sur sa conduite. Il a assuré qu'il faisait de son mieux, comme toujours, pour
minimiser les pertes civiles, tout en tentant de tendre le Hamas incapable de
tenir sa promesse de répéter les atrocités du 7 octobre à l'avenir. Israël n'a
pas besoin de la permission des États-Unis pour défendre ses citoyens contre un
ennemi dont l'objectif est de détruire l'État juif et de massacrer sa
population. Mais sa dépendance à l'égard des armes américaines, un problème qui
pourrait être résolu à l'avenir mais pas à court terme, signifie qu'il ne peut
pas ignorer Washington. Il est regrettable que M. Biden ait tenu un double
discours sur la guerre, mais Jérusalem le tolère et l’ignore tant que le flux
d'armes et de munitions américaines nécessaires à la poursuite du combat n'est
pas interrompu.
Un
genou à terre devant Tlaib
Les excuses de Finer, cependant, augmentent
les enjeux dans le va-et-vient entre les deux anciens alliés qui dure depuis le
7 octobre.
Finer a été envoyée à Dearborn parce que
l'administration devait faire quelque chose pour convaincre non seulement les arabo-américains
mais aussi les soi-disant "progressistes" de tout le pays, virulents
avec Israël, que le président écoute. Auparavant, Joe Biden avait envoyé Julie
Chavez Rodriguez, sa directrice de campagne nationale, à Dearborn pour une
mission similaire, où elle avait rencontré non seulement les démocrates
arabo-américains mais aussi la députée Rashida Tlaib (D-Mich.), membre du
Congrès ouvertement antisémite et membre de la "Squad", pour les
assurer que l'administration comprenait leurs inquiétudes.
Mais le maire de Dearborn, Abdullah Hammoud,
a refusé de la rencontrer. Il aurait déclaré qu'il ne se contenterait de rien
de moins qu'une rencontre avec de véritables décideurs politiques plutôt
qu'avec des responsables de la campagne. C'est alors que la Maison Blanche a
envoyé une délégation dans le Michigan, dirigée par M. Finer, lui-même juif et
vétéran de l'administration Obama, aujourd'hui numéro deux du Conseil de
sécurité nationale.
Une fois sur place, M. Finer semble avoir
reçu un accueil hostile, mais il n'a pas ménagé ses efforts pour s'attirer les
faveurs de personnalités qui agissent comme si les atrocités du 7 octobre
n'avaient jamais eu lieu. Ces gens sont offensées par toute suggestion de
condamnation du Hamas, d'exigence de rendre les otages détenus ou d'épargner à
la population palestinienne de nouvelles souffrances en déposant les armes. Ses
hôtes n'ont toujours pas apprécié qu'il s'abstienne de promettre directement un
changement de politique à l'égard d'Israël. Il a néanmoins fait un grand pas
vers la satisfaction de leurs demandes en condamnant de manière cinglante le
gouvernement israélien et en s'excusant explicitement pour la déclaration de la
Maison Blanche publiée 100 jours après le 7 octobre. Celle-ci se focalisait sur
le sort des otages et le devenir du Hamas. Finer a semblé promettre que les
communications futures poseraient désormais une équivalence morale entre Israël
et les Palestiniens.
La Maison Blanche pense peut-être que la
mission de Finer et la couverture médiatique qu'elle a orchestrée calmeront le
torrent de critiques émanant de la gauche. Notamment des chants dirigés contre
le président le qualifient comme
"Joe le génocidaire", fausse accusation entonnée aussi par des
individus de plus en plus nombreux qui exigent un cessez-le-feu qui accorderait
la victoire au Hamas. Se plier devant des antisémites comme Tlaib et permettre
à des politiciens locaux comme Hammoud d'intimider un responsable du NSC aboutira
à une augmentation et non une diminution de la pression sur la campagne de
Biden. Cette visite n'a fait que créer à gauche, l'attente d’une punition d’Israël
si les combats se poursuivaient.
L'arrêt
de la poussée vers Rafah
Et pourtant, les combats continueront, car
Tsahal ne poursuit pas seulement sa campagne méthodique et efficace
d'élimination des terroristes dans toute la bande de Gaza. Il entreprend
également d'anéantir les dernières formations militaires organisées du Hamas à
Rafah.
C'est dans ce contexte que s'inscrit
l'effervescence diplomatique actuelle, alors que M. Biden cherche à entraver
l'attaque de Rafah par les forces de défense israéliennes. Le sort des
Palestiniens qui ont fui à Rafah lorsque les combats se déroulaient
principalement dans la partie nord de l'enclave côtière est un véritable
problème. Ces personnes doivent être autorisées par leurs suzerains du Hamas à
fuir dans des zones de Gaza non urbanisées où des installations peuvent être
créées les accueillir. Mais pour l'instant, l'administration semble parler
comme si l'utilisation cynique de ces personnes comme boucliers humains par le
Hamas ôtait toute justification à l’effort militaire d’Israël.
Les excuses de M. Finer n'ont pas seulement
suscité des attentes à gauche quant à la volonté de M. Biden d'affronter
Israël. Elles semblent signifier que même si se débarrasser du Hamas est une
bonne idée en théorie pour l'administration, toute perte civile (que les
terroristes font tout pour accroitre) justifie de mettre fin à la guerre quoi
que fasse Israël pour les éviter.
Biden a laissé ses craintes de perdre non
seulement le Michigan mais aussi le soutien enthousiaste de la base de son
parti l'acculer dans une impasse à propos de Gaza. S'il n'empêche pas la
poursuite de la guerre, il aura donné aux progressistes antisémites comme Tlaib
et à d'autres progressistes une raison de s'éloigner encore plus de son destin
politique. C’est contre-intuitif pour les démocrates, qui considèrent une
victoire de l'ancien président Donald Trump comme la fin du monde. Pourtant,
certains sont tellement déterminés à délégitimer Israël et à contrecarrer les
efforts de destruction du Hamas qu'ils semblent penser qu'une victoire de Trump
pourrait être bénéfique si cela aboutit à ce que plus jamais un président
démocrate ne se tiendra aux côtés d'Israël.
À l'heure où la destruction du Hamas est,
sinon imminente, du moins envisageable après plusieurs mois de combats
acharnés, les excuses de Joe Biden à ses détracteurs de gauche pourraient
offrir une bouée de sauvetage aux terroristes. Cela ne leur permettrait de
revendiquer la victoire dans une guerre qu'ils ont commencée par des atrocités.
Cela encouragerait également la montée de l'antisémitisme de gauche au lieu d’y
mettre un terme, rendant encore plus improbable tout espoir de convaincre les
Palestiniens d'abandonner leur idéologie de haine et leur guerre incessante
contre les Juifs.
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Références :
Biden
can’t have it both ways on the Gaza war, traduction Le Bloc note
Par Jonathan S. Tobin, JNS, le 12 février 2024
Jonathan S.
Tobin est est un journaliste américain, né à New York. Il a étudié l'histoire à
l'université de Columbia. Il est aujourd’hui rédacteur en chef de JNS.org, le
Jewish News Syndicate. Tobin est un commentateur régulier de la politique
intérieure, d'Israël et des affaires juives. Sa rubrique "View from
America" a été publiée pendant de nombreuses années dans The Jerusalem
Post. Son travail a également été publié dans Israel Hayom, The Christian
Science Monitor, The Forward, Britain's Jewish Chronicle, le New York Sun et de
nombreuses autres publications. Il a été nommé meilleur éditorialiste et
meilleur critique artistique de Philadelphie pour l'année 2005 par la Society of
Professional Journalists