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13 févr. 2024

Gaza : Biden ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, par Jonathan S. Tobin

Les excuses de l'administration aux arabo-américains pour son soutien à l'effort d'éradication du Hamas constituent une trahison d'Israël.

Jonathan S. Tobin

Les allées et venues du directeur adjoint de la sécurité nationale ne sont généralement pas dignes d'intérêt. Pourtant, un voyage particulier de l'actuel occupant de ce poste, Jon Finer, censé être privé, est devenu une question d'importance politique nationale.

Accompagné d'une délégation de hauts fonctionnaires, dont l'ambassadrice du président Barack Obama auprès des Nations unies et l'actuelle administratrice de l'Agence américaine pour le développement international, Samantha Power, M. Finer s'est rendu la semaine dernière à Dearborn, dans le Michigan, pour y rencontrer des dirigeants arabo-américains. Ce qu'il a dit, selon le New York Times confirmé par la Maison Blanche, devrait choquer les démocrates qui sont convaincus que les relations entre les États-Unis et Israël sont entre de bonnes mains tant que le président Joe Biden est en fonction.

Le message de Finer aux Américains d'origine arabe était un message de contrition. "Nous sommes tout à fait conscients que nous avons commis des erreurs en répondant à cette crise depuis le 7 octobre", a déclaré M. Finer. Il a déclaré que l'administration était désolée pour ses messages et sa politique après les massacres du 7 octobre, au cours desquels des terroristes du Hamas ont assassiné plus de 1.200 hommes, femmes et enfants dans le sud d'Israël. M. Biden a déclaré sans détour que les États-Unis soutenaient le droit d'Israël à se défendre, mais aussi la cause de l'éradication du Hamas.

Sans désavouer directement ces positions, M. Finer a déclaré que "nous avons laissé une impression très préjudiciable basée sur ce qui a été un compte-rendu public tout à fait inadéquat de l'importance que le président, l'administration et le pays accordent à la vie des Palestiniens. Et cela a commencé, franchement, assez tôt dans le conflit".

La révolte des progressistes

Tout en approuvant les objectifs de guerre d'Israël et en maintenant l'approvisionnement en armes nécessaires à la poursuite du conflit, Joe Biden et le secrétaire d'État Antony Blinken ont exprimé publiquement, dès le début, leurs préoccupations concernant la sécurité des civils palestiniens à Gaza. Ils ont cherché à retarder, puis à entraver les efforts des forces de défense israéliennes pour éliminer les terroristes. Il est donc difficile d'imaginer pourquoi Finer a pensé qu'il devait s'excuser du fait que Biden n'accordait pas d'importance à la vie des Palestiniens.

Mais alors que ses sondages continuent de s'effondrer et que l'on s'interroge de plus en plus sur son âge et sa capacité à diriger, Joe Biden ne peut se permettre d'ignorer la révolte ouverte contre sa politique pro-israélienne au sein du Parti démocrate, qui englobe des responsables de rang inférieur, des membres du Congrès et des collaborateurs de la campagne de réélection du président, ainsi que la base militante de gauche qui fournira la plus grande partie de l'énergie et des volontaires pour faire voter les électeurs cet automne.

C'est ce qui explique l'emploi très inhabituel d'assistants de haut niveau dont le travail consiste à mettre en œuvre la politique étrangère de la nation dans une mission manifestement politique. Il n'y a tout simplement pas d'autre explication à l'envoi de Finer et de Power auprès d'un électorat démocrate clé dans un État clé. Il s’agissait de s'excuser de soutenir Israël, mais aussi d’exprimer le désir de l'administration d’honorer les Palestiniens en leur accordant un État indépendant une fois les combats terminés, alors qu’ils ont déclenché une guerre et commis le plus grand massacre de Juifs depuis l'Holocauste.

M. Biden et son équipe de politique étrangère continuent de promouvoir la proposition de création d'un État, pour laquelle les Palestiniens n'ont manifesté aucun intérêt en plusieurs circonstances. Ils l’associent à un projet tout aussi fantaisiste où  l'Arabie saoudite défierait l'opinion musulmane internationale et ses penchants à la prudence, pour normaliser ses relations avec Israël. Mais l'envoi de Finer pour faire plier le genou au maire de Dearborn et à d'autres militants arabo-américains locaux avait surtout pour but de laisser entendre que l'escalade des critiques à l'égard d'Israël de la part de l'administration était peut-être sur le point de se traduire par un changement de politique.

Il ne s'agit pas seulement du fait que les États-Unis continuent de pousser les négociations en vue d'un accord d'échange des otages restants contre un cessez-le-feu qui pourrait ou non permettre au Hamas de survivre à la guerre en tant que vainqueur plutôt que d'être éliminé. Plus encore, alors que les forces de défense israéliennes s'apprêtent à se rapprocher de Rafah, le dernier bastion majeur du Hamas à Gaza, les pressions américaines sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son gouvernement de coalition sont plus fortes que jamais.

Salir l'effort de guerre d'Israël

L'affirmation de M. Biden selon laquelle la campagne d'Israël à Gaza a été "excessive", ainsi que l'accusation diffamatoire du secrétaire d'État américain Antony Blinken pour qui la campagne d'Israël à Gaza déshumanise ses ennemis, sont des déformations scandaleuses de la vérité. Les experts militaires que j'ai entendus lors de ma visite en Israël reconnaissent tous que, tout au long de la campagne, l'armée israélienne a été confrontée à des défis qu'aucun autre pays belligérant moderne n'a eu à relever. La guerre urbaine à Gaza a opposé les Israéliens à un ennemi génocidaire qui s'est retranché dans et sous les quartiers civils, construisant des fortifications qui ont transformé toutes les maisons des zones urbaines en champs de bataille. Le Hamas a tout fait pour sacrifier les civils palestiniens et augmenter le nombre de morts dans ce conflit. Comparée aux efforts américains en Irak ou dans les guerres du passé, la conduite de Tsahal a été exemplaire, et toute accusation selon laquelle Tsahal violerait les règles de la guerre contre un ennemi qui en fait autant à chaque minute est tout simplement fausse.

En effet, comme l'a souligné l'historien Lord Andrew Roberts, le plus grand historien militaire actuel, dans un discours prononcé la semaine dernière à la Chambre des Lords, le taux de mortalité des combattants civils dans la guerre urbaine en cours, qui est de 2 pour 1, est bien inférieur à celui de toutes les guerres modernes enregistrées et témoigne des efforts déployés par les forces de défense israéliennes pour éviter de blesser des civils chaque fois que cela est possible.

Jamais auparavant dans les annales de la guerre une armée n'était allée aussi loin qu'Israël à Gaza [dans la protection des civils] et pas seulement en ce qui concerne les règles d'engagement restrictives imposées à ses soldats qui ont facilité le combat du Hamas. Israël a également autorisé l'acheminement de carburant, de nourriture et de médicaments dans les zones contrôlées par l’ennemi afin d'assurer le bien-être des Palestiniens, même si le monde entier sait qu'une grande partie de ces livraisons est subtilisée par les terroristes. Le Hamas ne se contente pas d'utiliser les civils palestiniens comme boucliers humains, il s'assure également qu'ils souffriront même si leur ennemi leur donne les moyens de survivre.

Jusqu'à présent, la politique du gouvernement Netanyahou a consisté à répondre du bout des lèvres aux attaques de M. Biden sur sa conduite. Il a assuré qu'il faisait de son mieux, comme toujours, pour minimiser les pertes civiles, tout en tentant de tendre le Hamas incapable de tenir sa promesse de répéter les atrocités du 7 octobre à l'avenir. Israël n'a pas besoin de la permission des États-Unis pour défendre ses citoyens contre un ennemi dont l'objectif est de détruire l'État juif et de massacrer sa population. Mais sa dépendance à l'égard des armes américaines, un problème qui pourrait être résolu à l'avenir mais pas à court terme, signifie qu'il ne peut pas ignorer Washington. Il est regrettable que M. Biden ait tenu un double discours sur la guerre, mais Jérusalem le tolère et l’ignore tant que le flux d'armes et de munitions américaines nécessaires à la poursuite du combat n'est pas interrompu.

Un genou à terre devant Tlaib

Les excuses de Finer, cependant, augmentent les enjeux dans le va-et-vient entre les deux anciens alliés qui dure depuis le 7 octobre.

Finer a été envoyée à Dearborn parce que l'administration devait faire quelque chose pour convaincre non seulement les arabo-américains mais aussi les soi-disant "progressistes" de tout le pays, virulents avec Israël, que le président écoute. Auparavant, Joe Biden avait envoyé Julie Chavez Rodriguez, sa directrice de campagne nationale, à Dearborn pour une mission similaire, où elle avait rencontré non seulement les démocrates arabo-américains mais aussi la députée Rashida Tlaib (D-Mich.), membre du Congrès ouvertement antisémite et membre de la "Squad", pour les assurer que l'administration comprenait leurs inquiétudes.

Mais le maire de Dearborn, Abdullah Hammoud, a refusé de la rencontrer. Il aurait déclaré qu'il ne se contenterait de rien de moins qu'une rencontre avec de véritables décideurs politiques plutôt qu'avec des responsables de la campagne. C'est alors que la Maison Blanche a envoyé une délégation dans le Michigan, dirigée par M. Finer, lui-même juif et vétéran de l'administration Obama, aujourd'hui numéro deux du Conseil de sécurité nationale.

Une fois sur place, M. Finer semble avoir reçu un accueil hostile, mais il n'a pas ménagé ses efforts pour s'attirer les faveurs de personnalités qui agissent comme si les atrocités du 7 octobre n'avaient jamais eu lieu. Ces gens sont offensées par toute suggestion de condamnation du Hamas, d'exigence de rendre les otages détenus ou d'épargner à la population palestinienne de nouvelles souffrances en déposant les armes. Ses hôtes n'ont toujours pas apprécié qu'il s'abstienne de promettre directement un changement de politique à l'égard d'Israël. Il a néanmoins fait un grand pas vers la satisfaction de leurs demandes en condamnant de manière cinglante le gouvernement israélien et en s'excusant explicitement pour la déclaration de la Maison Blanche publiée 100 jours après le 7 octobre. Celle-ci se focalisait sur le sort des otages et le devenir du Hamas. Finer a semblé promettre que les communications futures poseraient désormais une équivalence morale entre Israël et les Palestiniens.

La Maison Blanche pense peut-être que la mission de Finer et la couverture médiatique qu'elle a orchestrée calmeront le torrent de critiques émanant de la gauche. Notamment des chants dirigés contre le président le qualifient  comme "Joe le génocidaire", fausse accusation entonnée aussi par des individus de plus en plus nombreux qui exigent un cessez-le-feu qui accorderait la victoire au Hamas. Se plier devant des antisémites comme Tlaib et permettre à des politiciens locaux comme Hammoud d'intimider un responsable du NSC aboutira à une augmentation et non une diminution de la pression sur la campagne de Biden. Cette visite n'a fait que créer à gauche, l'attente d’une punition d’Israël si les combats se poursuivaient.

L'arrêt de la poussée vers Rafah

Et pourtant, les combats continueront, car Tsahal ne poursuit pas seulement sa campagne méthodique et efficace d'élimination des terroristes dans toute la bande de Gaza. Il entreprend également d'anéantir les dernières formations militaires organisées du Hamas à Rafah.

C'est dans ce contexte que s'inscrit l'effervescence diplomatique actuelle, alors que M. Biden cherche à entraver l'attaque de Rafah par les forces de défense israéliennes. Le sort des Palestiniens qui ont fui à Rafah lorsque les combats se déroulaient principalement dans la partie nord de l'enclave côtière est un véritable problème. Ces personnes doivent être autorisées par leurs suzerains du Hamas à fuir dans des zones de Gaza non urbanisées où des installations peuvent être créées les accueillir. Mais pour l'instant, l'administration semble parler comme si l'utilisation cynique de ces personnes comme boucliers humains par le Hamas ôtait toute justification à l’effort militaire d’Israël.

Les excuses de M. Finer n'ont pas seulement suscité des attentes à gauche quant à la volonté de M. Biden d'affronter Israël. Elles semblent signifier que même si se débarrasser du Hamas est une bonne idée en théorie pour l'administration, toute perte civile (que les terroristes font tout pour accroitre) justifie de mettre fin à la guerre quoi que fasse Israël pour les éviter.

Biden a laissé ses craintes de perdre non seulement le Michigan mais aussi le soutien enthousiaste de la base de son parti l'acculer dans une impasse à propos de Gaza. S'il n'empêche pas la poursuite de la guerre, il aura donné aux progressistes antisémites comme Tlaib et à d'autres progressistes une raison de s'éloigner encore plus de son destin politique. C’est contre-intuitif pour les démocrates, qui considèrent une victoire de l'ancien président Donald Trump comme la fin du monde. Pourtant, certains sont tellement déterminés à délégitimer Israël et à contrecarrer les efforts de destruction du Hamas qu'ils semblent penser qu'une victoire de Trump pourrait être bénéfique si cela aboutit à ce que plus jamais un président démocrate ne se tiendra aux côtés d'Israël.

À l'heure où la destruction du Hamas est, sinon imminente, du moins envisageable après plusieurs mois de combats acharnés, les excuses de Joe Biden à ses détracteurs de gauche pourraient offrir une bouée de sauvetage aux terroristes. Cela ne leur permettrait de revendiquer la victoire dans une guerre qu'ils ont commencée par des atrocités. Cela encouragerait également la montée de l'antisémitisme de gauche au lieu d’y mettre un terme, rendant encore plus improbable tout espoir de convaincre les Palestiniens d'abandonner leur idéologie de haine et leur guerre incessante contre les Juifs.

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Références :

Biden can’t have it both ways on the Gaza war, traduction Le Bloc note

Par Jonathan S. Tobin, JNS, le 12 février 2024

Jonathan S. Tobin est est un journaliste américain, né à New York. Il a étudié l'histoire à l'université de Columbia. Il est aujourd’hui rédacteur en chef de JNS.org, le Jewish News Syndicate. Tobin est un commentateur régulier de la politique intérieure, d'Israël et des affaires juives. Sa rubrique "View from America" a été publiée pendant de nombreuses années dans The Jerusalem Post. Son travail a également été publié dans Israel Hayom, The Christian Science Monitor, The Forward, Britain's Jewish Chronicle, le New York Sun et de nombreuses autres publications. Il a été nommé meilleur éditorialiste et meilleur critique artistique de Philadelphie pour l'année 2005 par la Society of Professional Journalists