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23 févr. 2024

En quoi consisterait une Autorité palestinienne "revitalisée", par Maurice Hirsch et Yossi Kuperwasser

Avant de s’attaquer à sa corruption endémique, l'Autorité Palestinienne (AP) doit cesser de promouvoir la haine des Juifs et accepter l'existence d'Israël.

Maurice Hirsch et Yossi Kuperwasser
L'Autorité palestinienne, dans sa forme actuelle, est un échec. Elle a fait échouer les Palestiniens et le processus de paix. Néanmoins, après le massacre du 7 octobre et la guerre qui s'en est suivie contre le Hamas, le Jihad islamique palestinien et les terroristes affiliés au Fatah, la question du rôle éventuel de l'Autorité palestinienne dans la réhabilitation de la bande de Gaza est toujours d'actualité. Le président américain Joe Biden a déclaré dans un article publié dans le Washington Post que sa vision est que "Gaza et la Cisjordanie devraient être réunies sous une structure de gouvernance unique, en fin de compte sous une Autorité palestinienne revitalisée...." Le secrétaire d'État Blinken a répété ce message lors de sa conférence de presse à Tel-Aviv le 9 janvier.

Avant toute discussion sur la manière de "revitaliser" l'Autorité palestinienne, c’est à dire créer une démocratie fonctionnelle exempte de corruption, la réforme de l'Autorité palestinienne doit immédiatement franchir six étapes non négociables.

Étape 1. Condamner le massacre du 7 octobre

Le massacre du 7 octobre perpétré par des terroristes palestiniens dirigés par le Hamas est l'antithèse complète de l'engagement fondamental des Palestiniens à abandonner le recours à la violence et à la terreur comme moyen d'atteindre leurs objectifs politiques. Ce massacre, au cours duquel plus de 1.200 personnes ont été torturées, violées, décapitées et assassinées, des centaines ont été blessées et quelque 240 êtres humains enlevés à Gaza, est la pire attaque terroriste jamais perpétrée par les Palestiniens et le jour le plus noir pour les Israéliens depuis l'Holocauste nazi.

Plus de quatre mois se sont écoulés depuis les atrocités de la fête de Shabbat Simchat Torah et, à ce jour, aucun dirigeant ou personnalité de l'Autorité palestinienne n'a condamné le massacre. Malheureusement, c'est le contraire car les dirigeants de l'Autorité palestinienne et d'autres factions n'ont pas rejeté les actes de terrorisme, mais les ont au contraire embrassés et justifiés.

Alors que le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a d'abord ignoré le massacre. Il a "donné des instructions pour assurer la défense de notre peuple, et souligné le droit du peuple palestinien à l'autodéfense face à la terreur des colons et des forces d'occupation." Par la suite, sous l'effet d'une immense pression internationale, il a dit que "la politique et les actions du Hamas ne représentaient pas le peuple palestinien". Cependant, peu de temps après, l'agence de presse officielle de l'AP a modifié la citation et l'a remplacée par une déclaration disant que "l'OLP est le seul représentant légitime du peuple palestinien - et non la politique d'une autre organisation".

Le Premier ministre de l'Autorité palestinienne, Muhammad Shtayyeh, a choisi d'inverser à la fois la réalité et la morale, en soulignant "le droit du peuple palestinien à défendre sa terre et ses lieux saints, qui sont toujours violés..." Il a affirmé que le massacre était "le résultat naturel de la non-acceptation" de l'avertissement récurrent de l'Autorité palestinienne contre les graves conséquences des "crimes incessants d'Israël".

Le dirigeant du Fatah, Jibril Rajoub, dont le nom a souvent été cité comme successeur potentiel d'Abbas, a déclaré : "Ce qui s'est passé le 7 octobre est un tremblement de terre, un incident sans précédent dans une guerre de défense pleine d'épopées et d'actes d'héroïsme que le peuple palestinien mène depuis 75 ans". Il a averti que "l'explosion en Cisjordanie est également imminente".

Au lieu de condamner le massacre, le secrétaire général du comité exécutif de l'OLP, Hussein Al-Sheikh, également présenté comme un successeur potentiel d'Abbas, a choisi de parler des "frères du mouvement Hamas" de l'AP/OLP et de dire que leurs "bras... et leurs cœurs sont toujours ouverts à tout dialogue qui conduira finalement à l'unité du peuple palestinien et de ses forces". Le compte Twitter d'Al-Sheikh contient toujours la diffamation qui prétend qu’Israël a attaqué l'hôpital Al-Ahli à Gaza, malgré la preuve désormais certaine que le parking de l'hôpital a été touché par une roquette errante tirée par le Jihad islamique palestinien.

Le dirigeant du Fatah, Marwan Barghouti, qui a également été évoqué comme remplaçant potentiel d'Abbas bien qu'il purge actuellement cinq peines de détention à vie dans une prison israélienne à la suite de sa condamnation pour son rôle dans de multiples meurtres, a déclaré depuis sa cellule : "Le vent de la libération grandit dans le ciel de la Palestine" et "Nous appelons à un rassemblement complet derrière l'option de la résistance globale" - le terme "résistance" étant l'euphémisme palestinien pour désigner le terrorisme. S'adressant aux forces de sécurité de l'Autorité palestinienne, M. Barghouti a ajouté qu'elles devraient être "en première ligne" dans ce qu'il a appelé la lutte contre "l'agression israélienne" en utilisant "les armes et l'entraînement que vous possédez". Pour enfoncer le clou, il a ajouté : "Il n'y a aucune excuse pour quiconque de ne pas participer à un chapitre de la bataille de libération".

Seule une Autorité palestinienne capable de reconnaître la simple moralité et de rejeter la violence, et le massacre des Juifs, est digne de considération. En conséquence, la première condition préalable pour l'AP "revitalisée" est une condamnation sans équivoque du massacre du 7 octobre, une condamnation du Hamas en tant qu'organisation terroriste, et son opposition à sa participation à la future direction palestinienne.

Deuxième étape. Abolir la politique de l'AP/OLP consistant à "payer pour tuer".

La politique de l'AP consistant à récompenser les terroristes et à les inciter à commettre des actes de terrorisme est aux antipodes des engagements fondamentaux pris par les Palestiniens. Inscrite dans la loi de l'Autorité palestinienne (loi n° 19 – 2004- sur les prisonniers, les prisonniers libérés et ses règlements d'application), qui définit les terroristes comme le "secteur combattant et une partie intégrante du tissu de la société arabe palestinienne." Cette politique prévoit le versement de salaires substantiels aux terroristes.

Les mensualités sont versées à tous les terroristes palestiniens, y compris les assassins de masse, les participants au massacre du 7 octobre et d'autres membres d'organisations terroristes internationalement désignées. Dans le cadre de cette politique, l'Autorité palestinienne verse chaque année plus de 300 millions de dollars aux terroristes emprisonnés, aux terroristes blessés, aux familles des terroristes décédés et aux terroristes libérés qui, conformément à la loi et aux règlements, ont même droit à un emploi garanti au sein de l'Autorité palestinienne. Cette politique, que le Taylor Force Act américain décrit précisément comme une "incitation à commettre des actes de terreur", est universellement rejetée.

Puisqu'il est inacceptable d'encourager et de récompenser le terrorisme et le meurtre de Juifs, une deuxième condition préalable pour l'AP "revitalisée" est l'abolition de cette politique odieuse, l'annulation de toutes les lois, décrets, règlements ou documents autorisant ou mettant en œuvre cette politique, et l'arrêt immédiat de tous les paiements et récompenses aux différentes catégories de terroristes et à leurs familles.

Troisième étape. Reconnaître Israël comme l'État du peuple juif

Bien qu'ils reconnaissent du bout des lèvres l'existence de facto d'Israël en tant qu'État, les Palestiniens n'ont jamais accepté le droit d'Israël à exister en tant qu'État du peuple juif. L'Autorité palestinienne rejette l'existence même d'un peuple juif, considérant le judaïsme comme une simple religion qui ne mérite pas de patrie nationale. Selon les enseignements de l'AP, les Juifs sont les descendants des "singes et des porcs." Ils sont responsables des maux du monde et n'ont pas d'histoire souveraine sur la terre d'Israël/Palestine.

Ce n'est qu'une fois que l'AP aura explicitement reconnu les Juifs comme un peuple ayant droit à un État sur leur terre ancestrale qu'il sera possible d'envisager un rôle futur pour l'AP.

Étape 4. Cesser toute incitation au meurtre et toute glorification du terrorisme

L’un des rares engagements fondamentaux acceptés par les Palestiniens dans le cadre du processus d'Oslo était la nécessité de lutter contre l'incitation au meurtre. Violant cet engagement depuis 30 ans, l'Autorité palestinienne a activement engagé son système éducatif, ses médias et sa culture dans l'endoctrinement à la haine et l'incitation à la terreur. L'incitation au meurtre et la glorification des terroristes qui ont répondu aux appels à la violence ont été un phénomène quotidien. Des générations de Palestiniens ont grandi et ont été éduqués à haïr les Juifs, à rechercher la destruction d'Israël et à considérer les terroristes meurtriers comme des modèles à suivre. Ces pratiques ont directement conduit à l'assassinat de milliers de Juifs. Elles ont fourni la base sociologique et psychologique pour la commission du massacre du 7 octobre et entraîné également la mort de milliers de Palestiniens tués lors d'attaques terroristes et d'opérations antiterroristes.

Pour que l'Autorité palestinienne puisse continuer à jouer un rôle quelconque, et a fortiori un rôle futur, dans la réhabilitation de Gaza, elle doit immédiatement cesser toute incitation à la terreur et au meurtre de Juifs et s'abstenir totalement de faire l'apologie de la terreur.

Étape 5. Cesser immédiatement toutes les attaques de l'AP contre Israël dans les forums internationaux

Alors que le processus d'Oslo n'a jamais mentionné ni envisagé la création d'un État palestinien, l'Autorité palestinienne et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), signataire des accords, ont tout ces 30 dernières années pour imposer la création de l'"État de Palestine" à Israël et à l'ensemble de la communauté internationale. Après avoir exercé une forte pression politique en 2011, l'AP/OLP a fait pression pour que l'inexistant "État de Palestine" devienne un État observateur non membre de l'ONU. L'OLP/AP a ensuite utilisé cette reconnaissance pour rejoindre de nombreux forums internationaux. L'AP/OLP exploite maintenant ces plateformes, notamment la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour internationale de justice (CIJ), pour mener une guerre juridique à grande échelle contre Israël.

Ces attaques, fondées sur des faits inventés et des calomnies pures et simples, visent à délégitimer Israël et en faire un État paria.

Si Israël a commis l'erreur initiale de ne pas comprendre les véritables intentions de l'OLP, il ne devrait plus jamais accepter ces violations flagrantes des accords. Pour que l'AP "revitalisée" puisse envisager de continuer à jouer un rôle, elle doit immédiatement mettre un terme à ses attaques judiciaires contre Israël dans toutes les instances, dont la CPI et la CIJ.

Étape 6. Lutter activement contre le terrorisme

L’un des engagements fondamentaux pris par les Palestiniens dans le cadre du processus d'Oslo était de lutter activement contre le terrorisme. Pour remplir cet engagement, l'Autorité palestinienne a été autorisée à mettre en place un appareil de sécurité solide bénéficiant d'un financement et d'une formation internationaux. L'AP n'a jamais respecté cet engagement élémentaire, bien qu'elle ait reçu tous les outils pour le faire.

Au lieu de lutter contre le terrorisme, l'AP a inventé la politique de la "porte tournante", qui veut que les terroristes arrêtés soient rapidement relâchés. De nombreux membres des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne, censés lutter contre le terrorisme, y étaient eux-mêmes activement impliqués. Au lieu de combattre les terroristes, l'Autorité palestinienne a exigé que les organisations terroristes internationalement reconnues, telles que le Hamas, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et d'autres, soient reconnues comme des "factions palestiniennes" légitimes et qu’elles puissent participer au processus électoral organisé. Le résultat a été la victoire du Hamas, l'organisation internationalement classée comme terroriste qui a mené le massacre du 7 octobre. Il avait remporté les dernières élections de l'AP (tenues en 2006) et pris légitimement le pouvoir. Si le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a ensuite déposé le gouvernement du Hamas en Judée et en Samarie, à Gaza, le Hamas a régné en maître. Récemment, Mahmoud Abbas a même accepté le recrutement de terroristes libérés dans les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne afin de dissimuler l'ampleur de la politique de l'Autorité palestinienne "Payer pour tuer".

La tâche de combattre les terroristes, qui ont été légitimés et blanchis par l'AP au cours des 30 dernières années, ne sera certainement pas simple. Pour lutter contre le terrorisme, une AP revitalisée doit s'engager de bonne foi, au niveau des intentions comme des actions, assurer des poursuites efficaces et infliger des peines privatives de liberté.

Une fois ces conditions préalables rudimentaires remplies, un autre chapitre du plan de revitalisation de l'AP devrait s'attaquer à la corruption profondément enracinée, et parfaire une vie démocratique efficace, avec des élections régulières et un système judiciaire pleinement opérationnel.

Les leçons du 7 octobre

En bref, l'Autorité palestinienne doit cesser de promouvoir la haine des Juifs et la lutte permanente contre l'existence d'un État juif avant d'être considérée comme apte à jouer un rôle quelconque le "jour d'après" à Gaza. Le monde entier, y compris Israël, les États-Unis et l'Union européenne, devrait tirer les leçons du massacre du 7 octobre et ne plus tolérer le soutien au terrorisme et l'endoctrinement à la haine. Israël et la communauté internationale devraient, une fois pour toutes, abandonner leur regrettable aveuglement volontaire. Il a été permanent dès la signature des accords d'Oslo en 1993, ignorant les manquements des Palestiniens à leurs obligations et engagements.

Ce n'est qu'une fois ces problèmes résolus que l'on pourra s'attaquer aux autres faiblesses importantes de l'AP - corruption massive et violations des droits de l'homme - qui la rendent actuellement inapte à jouer un rôle central dans la bande de Gaza de l'après-Hamas.

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Références :

What would a ‘revitalized’ Palestinian Authority be? traduction Le Bloc-Note

Par Maurice Hirsch et Yossi Kuperwasser, Times of Israel, le 22 février 2024

Le lieutenant-colonel (res.) Maurice Hirsch est directeur de l'Initiative pour la responsabilité et la réforme de l'Autorité palestinienne au Jerusalem Center for Public Affairs et ancien directeur du parquet militaire pour la Judée et la Samarie.

Le général de brigade (res.) Yossi Kuperwasser est directeur du projet sur les développements régionaux au Moyen-Orient au Jerusalem Center. Il était auparavant directeur général du ministère israélien des affaires stratégiques et chef de la division de recherche du renseignement militaire des FDI.