On trouve dans l’article ci-dessous une transcription légèrement raccourcie des remarques de Daniel Pipes, président du Middle East Forum, durant le webinar, suivie d'une séance de questions-réponses.
Daniel Pipes |
Je viens de
terminer un livre sur le conflit israélo-palestinien et j'observe donc avec un
intérêt particulier ce qui s'est passé depuis le 7 octobre. J'aimerais aborder
cinq sujets qui me semblent quelque peu mystificateurs et que je vais tenter
d'éclaircir. Je passerai assez rapidement sur quatre d'entre eux et
m'attarderai un peu sur le dernier.
Premier point : Qu'est-ce qui ne
va pas avec l'armée israélienne et, plus largement, avec son système de sécurité
? Comment ont-ils pu laisser se produire une chose comme le 7 octobre ? Réponse
: l'establishment sioniste, puis l'establishment israélien de la sécurité -
l'armée, les services de renseignement, les forces de l'ordre - ont connu un
déclin précipité au cours du dernier demi-siècle. Les sionistes ont été très
intelligents et ont accompli beaucoup de choses alors qu'ils avaient peu de
moyens, et les Israéliens ont remporté une extraordinaire guerre d'indépendance
en 1948-49, puis ce qui a probablement été la victoire la plus déséquilibrée de
l'histoire moderne en 1967.
Depuis lors,
c'est-à-dire depuis plus d'un demi-siècle, ils ont décliné. En 1973, ils n'ont
pas su voir venir la Syrie et l'Égypte. D'autres problèmes terribles ont suivi.
En 1993, les accords d'Oslo n'avaient aucun sens : faire venir son ennemi le
plus violent et le plus véhément pour en faire son voisin presque souverain ?
En 2005, quitter Gaza et permettre à son ennemi d'y prendre le contrôle ? Les
services de sécurité israéliens ne sont plus ce qu'ils étaient. Ainsi, 2023
n'est pas un grand étonnement après 1973, 1993 et 2005. Cet establishment a
besoin d'un véritable coup de botte au train, comme celui qu'il vient de
recevoir, pour reconnaître ses profonds problèmes.
Deuxièmement, alors que les
Israéliens ont réagi au 7 octobre en parlant beaucoup de victoire, ce qui était
de la musique à mes oreilles, ils sont rapidement revenus à une approche de
non-victoire. C'est ce que l'on constate au cours des trois derniers mois, avec
ce retour en arrière. Par exemple, même si les travailleurs de Gaza sont
aujourd'hui considérés rétrospectivement comme des espions, les Israéliens ont
immédiatement autorisé l'entrée de quelque 6.000 travailleurs de Cisjordanie -
qui pourraient vraisemblablement être des espions eux aussi. Le gouvernement
israélien a décidé d'envoyer de l'argent à l'Autorité palestinienne. Il a
apaisé le Qatar en tant qu'intermédiaire. Il a approvisionné Gaza en carburant
et en eau. Il a ignoré la menace des constructions en Cisjordanie. Il est
question de permettre aux dirigeants du Hamas de fuir Gaza et de s'installer
ailleurs, peut-être au Qatar ou en Turquie. Le soutien électoral a augmenté,
non pas en faveur de ceux qui veulent mettre fin à la présence du Hamas, mais
en faveur de ceux qui sont plus modérés et moins désireux de remporter la
victoire.
Je ne vois donc pas
de changement fondamental. Comme aux États-Unis après le 11 septembre, lorsque
"tout a changé", c'est ce que l'on a entendu en Israël après le 7
octobre. Mais je ne pense pas que tout ait changé.
Troisièmement, les réactions au
7 octobre sont doubles. Dans le monde entier, des États-Unis à l'Arabie
saoudite en passant par l'Inde, l'establishment a favorisé Israël tandis que
les islamistes et les gauchistes ont favorisé le Hamas. On n'y a pas prêté
beaucoup d'attention, mais la Chambre des représentants des États-Unis a voté à
412 voix contre 10 en faveur d'Israël, dans une résolution très ferme, juste
après le massacre. Le Sénat a voté à cent contre zéro. Joe Biden a fait une
déclaration très ferme. Des personnalités libérales comme John Fetterman,
sénateur de Pennsylvanie, se sont prononcées très fermement en faveur d'Israël.
De nombreux dirigeants européens se sont rendus en Israël, en signe de
solidarité.
Mais au fil du
temps, la sympathie pour Israël s'est érodée et celle pour le Hamas s'est
accrue. Il y a eu un profond malaise à l'idée qu'Israël fasse à peu près ce que
les États-Unis et leurs alliés ont fait contre Daesh - entrer et éliminer
l'ennemi. Les Israéliens perdent constamment leurs soutiens.
Quatrième point : le Hamas a une
logique unique. Je ne connais pas d'exemple historique qui lui soit comparable.
Le Hamas cherche la mort et la destruction. Il ne cherche pas à gagner sur le
champ de bataille, mais à perdre. Il cherche à ce que le peuple qu'il gouverne
soit blessé, bombardé, sans abri, affamé, mort. Il utilise les Gazaouis comme
de la chair à canon, mais pas la chair à canon habituelle qui va attaquer
l'ennemi. Il s'agit d'une chair à canon qui souffre.
Vous pouvez
constater à quel point le Hamas est différent du Hezbollah au Liban ou de
l'Autorité palestinienne en Cisjordanie, qui sont tous deux beaucoup plus
conventionnels. Ils évaluent, ils regardent, ils créent des problèmes, ils
jouent, ils ne veulent pas se faire écraser. En 2006, le Hezbollah a tué trois
Israéliens et en a capturé deux autres. Juste après cette guerre, le chef du
Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré : "S'il y avait ne serait-ce qu'un
pour cent de chance que l'opération de capture du 11 juillet conduise à une
guerre comme celle qui s'est produite, l'aurais-je fait ? Je dirais non,
absolument pas".
Il pensait qu'il
était entendu qu'il fallait laisser mijoter les choses, ce qui est en fait le
cas actuellement. Le Hezbollah et Israël sont en train de mijoter. Le Hezbollah
veille à ne pas provoquer, à ne pas faire voler des F-35 au-dessus du Liban et
à ne pas bombarder des cibles. Le Hamas n'est pas prudent. Le Hamas veut la
mort et la destruction.
La Cisjordanie,
sous l'autorité de l'Autorité palestinienne, est beaucoup plus prudente que le
Hamas. Mahmoud Abbas joue le jeu. Il travaille avec les Israéliens ici, il les
assassine là, mais il est prudent. Il ne veut pas être bombardé. Il ne veut pas
être renversé. Il ne veut pas être martelé comme le Hamas.
Le Hamas est unique
dans cette logique qui consiste à perdre pour s'attirer la sympathie de ses
alliés, en particulier les islamistes du monde entier et la gauche en général,
la gauche dure en particulier. Et cela fonctionne dans une certaine mesure.
Comme je viens de le dire, le soutien à Israël s'est érodé au cours des trois
derniers mois.
Mon dernier point est d'essayer de comprendre les alliés
du Hamas. Ils se sont engagés dans une campagne
difficile à comprendre. Elle est extrêmement agressive. Elle semble
contre-productive. Par exemple, les éléments pro-Hamas aux États-Unis ont
perturbé des défilés, le défilé de Thanksgiving à New York, le défilé du Rose
Bowl à Pasadena. Ils ont perturbé le trafic, les principales voies d'accès à
des aéroports tels que LAX et JFK. Ils ont bloqué Manhattan tôt lundi matin,
bloquant des ponts et un tunnel, créant des dégâts. Ils ont attaqué des
cérémonies chrétiennes, y compris une manifestation de chants de Noël destinée
à collecter des fonds pour les aveugles à Melbourne, en Australie, et une fête
de Noël pour des agents démocrates à Détroit. Ils s'en sont pris à l'armée
américaine. Ils s'en prennent aux bases de l'armée de l'air. Ils ont donné une
sérénade à Lloyd Austin, le secrétaire américain à la défense, avec d'horribles
chansonnettes devant son domicile le matin de Noël. Ils se sont rendus odieux.
À un autre niveau,
les Houthis font la même chose en mer Rouge, en se rendant odieux. Ils n'ont
pas grand-chose à gagner à interrompre le commerce mondial. Ils ne gagnent rien
à ce que les navires contournent la Corne de l'Afrique plutôt que de passer par
le canal de Suez. Cela semble gratuit. Par ailleurs, les milices soutenues par
l'Iran en Syrie et en Irak ont attaqué les forces américaines plus d'une
centaine de fois au cours des cent jours écoulés depuis le 7 octobre, soit plus
d'une fois par jour.
Alors, entre ces
pitreries en Occident et ces attaques meurtrières au Moyen-Orient, que se
passe-t-il ? Ces actions hostiles sont-elles complaisantes ou font-elles partie
d'une stratégie intelligente ?
Les alliés du Hamas
ne cherchent manifestement pas à se faire de nouveaux amis. Au contraire, ils
imitent la tactique du Hamas, à savoir le martyre, pour gagner le soutien des
islamistes et des gauchistes. Alors que les djihadistes recherchent
généralement des victoires sur le champ de bataille, le Hamas entame sciemment
des guerres contre un ennemi plus puissant, souhaitant être vaincu et
revendiquant le statut de victime. La destruction et la mort renforcent son
attrait. Il gagne politiquement en faisant mal sur le plan militaire.
Dans cet esprit,
les groupes occidentaux et du Moyen-Orient aspirent également à gagner la
sympathie et le soutien en devenant des martyrs. Les fêtes de Noël, les défilés
de football, la circulation à New York et la Maison Blanche : ils poussent la
police à arrêter et peut-être à tabasser les manifestants. Les attaques contre
le transport maritime mondial et les attaques contre les forces américaines
provoquent une réponse des États-Unis.
Par conséquent,
massacrer des Israéliens, perturber le commerce mondial et gêner les
automobilistes américains n'est pas l'objectif premier, mais un moyen d'appâter
les armées israélienne et américaine et de gagner un nouveau soutien pour le
Hamas et ses partisans. Mais cela risque de tout compromettre. Le massacre du 7
octobre met en péril l'existence du Hamas et les autres organisations prennent
des risques similaires.
Questions et réponses
Q : La solution des deux États est-elle essentiellement
morte ? A-t-elle toujours été un fantasme occidental ?
R : Je ne pense pas
qu'elle soit morte. Oui, c'est un fantasme aujourd'hui, étant donné que l'AP et
tous les autres groupes palestiniens cherchent à détruire Israël. Mais un jour,
s'il y a une victoire d'Israël et une défaite palestinienne, si les
Palestiniens abandonnent leurs objectifs de rejet, oui, il pourra y avoir deux
Etats. Ce n'est donc pas possible dans l'immédiat, mais c'est concevable en
tant que possibilité abstraite.
Q : Les objectifs israéliens de la guerre contre le Hamas
sont-ils réalistes à la lumière de la politique mondiale et de l'idéologie bien
ancrée du Hamas à Gaza ?
R : Nous avons tous
appelé à la destruction, à l'élimination du Hamas, moi y compris, dès le début.
Aujourd'hui, cent jours plus tard, il est difficile de savoir ce que cela
signifie exactement. Je pense que cela signifie : (1) la fin du contrôle du
Hamas à Gaza, et (2) la réduction ou peut-être même l'élimination de son
financement par les États. Ses idées continueront d'exister, mais ce n’est pas
le cas de l'organisation. Donc, non, je ne pense pas que ce soit irréaliste.
C'est réaliste, et les Israéliens sont déterminés. Le Premier ministre
Netanyahu a prononcé un discours il y a deux jours à peine, dans lequel il a
déclaré : "Nous sommes sur le chemin de la victoire et nous ne nous
arrêterons pas tant que nous n'aurons pas remporté la victoire." Ils
semblent déterminés. Tant mieux pour eux.
Q : Compte tenu de la géopolitique, Israël peut-il
vraiment s'extraire de la vassalité à l'égard des États-Unis ?
R : Vassalité est
un terme fort. Les États-Unis sont une grande puissance, la grande puissance.
Israël est un petit pays : 330 millions d'habitants contre 10 millions. Israël
ne peut pas construire ses propres avions de chasse, ses propres navires de
guerre, etc. Israël a besoin d'alliés, et en particulier des États-Unis, mais
il y a à marchander. Les Israéliens peuvent négocier non seulement de l'argent,
mais aussi des moyens de pression. Les Israéliens disposent d'alternatives vers
lesquelles ils peuvent se tourner. Les États-Unis ont besoin d'Israël. Ce n'est
pas seulement Israël qui a besoin des États-Unis. Le Moyen-Orient est au centre
du monde. Il est extrêmement instable. Il n'y a pas d'autre pays dans la région
qui partage nos valeurs et avec lequel nous avons une alliance stratégique. Il
en a été ainsi pour la Turquie, mais ce n'est plus le cas depuis 20 ans. Israël
est donc seul au Moyen-Orient. Je ne vois pas de vassalité. Il s'agit de
tensions inhérentes à une alliance entre une grande puissance et une petite
puissance.
Q : Que faudra-t-il pour que les États-Unis exigent une
reddition du Hamas plutôt qu'un cessez-le-feu ?
R : Les États-Unis
sont devenus un allié militaire actif d'Israël, sans le dire. Ces derniers
jours, les États-Unis ont tué un certain nombre de Houthis et attaqué un
certain nombre d'installations houthies au Yémen. Cette action n'a pas été
présentée comme utile à Israël, mais plutôt comme une action en faveur de la
liberté de navigation. Mais en fait, les États-Unis et Israël sont du même côté
et leur alliance s'est renforcée. Par ailleurs, en octobre, un navire américain
a abattu des missiles en provenance du Yémen et à destination d'Israël, ce qui
n'était jamais arrivé auparavant. Les choses changent donc, et même si les deux
parties, israélienne et américaine, sont réticentes à prendre acte de ce que je
viens de dire, la nouvelle réalité existe.
Q : Vous avez évoqué l'opposition entre l'establishment
et le soutien islamiste et gauchiste au Hamas. L'establishment peut-il rester
ferme avec Israël ou cédera-t-il à la pression des islamistes et des gauchistes
?
R : Il y a trois
groupes, essentiellement. La cohorte anti-israélienne (d'ailleurs, je n'utilise
pas le terme pro-palestinien, ils ne sont pas du tout pro-palestiniens, ils
sont anti-israéliens) qui est principalement islamiste et gauchiste ; Jeremy
Corbyn, par exemple, s'est joint à l'effort sud-africain contre Israël à la
Cour internationale de justice (CIJ). Ensuite, il y a ceux qui soutiennent
fermement Israël, de manière inébranlable. Enfin, il y a ceux qui se trouvent
au milieu et qui se sentent sous pression. Joe Biden en est un parfait exemple.
Il est d'instinct favorable à Israël, mais beaucoup de membres du parti
démocrate lui sont hostiles. Il essaie donc de jouer sur les deux tableaux, de
satisfaire les deux camps. Les missions diplomatiques d'Antony Blinken
reflètent la confusion de cette position.
La position de ce
groupe intermédiaire, qui comprend de nombreux gouvernements occidentaux, n'est
pas claire. Mais jusqu'à présent, il a essentiellement soutenu Israël, en lui
fournissant des armes et en se rangeant à ses côtés sur le plan militaire. Il a
vacillé. Elle n'est plus là où elle était il y a trois mois, mais elle est
toujours là. Je pense que les faits suggèrent que ce groupe intermédiaire
soutiendra Israël de manière hésitante.
Q : Compte tenu de ce que nous savons aujourd'hui de la
portée, de l'étendue et de la sophistication de la ville souterraine et des
systèmes de tunnels à Gaza, comment cela a-t-il pu être développé à l'insu des
services de renseignement israéliens ?
R : Les Israéliens
connaissaient l'existence des tunnels, qu'ils appelaient le métro. Ce qu'ils
ignoraient, c'est que le Hamas était prêt à attaquer comme il l'a fait le 7
octobre. Ils avaient l'impression que le Hamas s'installait et devenait
davantage une autorité dirigeante tout en perdant son zèle révolutionnaire. Le
Hamas a joué le jeu de cette croyance et l'a encouragée. Les Israéliens étaient
aveugles à ce qu'ils voyaient. Ils voyaient la réalité, comme l'indiquent de
nombreux rapports d'Israéliens dans l'armée, mais le haut commandement était
aveugle. Il s'agissait d'un problème conceptuel, pas d'un problème de
renseignement. C'est un peu comme le problème conceptuel que les Israéliens ont
eu en 1973 lorsqu'ils ont supposé qu'Anouar el-Sadate n'attaquerait pas tant
qu'il ne disposerait pas d'avions plus perfectionnés. Ils l'ont supposé et
n'ont donc pas vu venir ce qui se passait à cause du concept, en hébreu, conceptzia.
Ils avaient une conceptzia à l'époque, ils en ont une aujourd'hui.
Q : La CIJ semble être anti-israélienne par principe.
Comment Israël doit-il réagir, quelle que soit la décision de la CIJ ?
R : Les Israéliens
font ce qu'il faut, c'est-à-dire aller présenter leur dossier à quelqu'un qui
jouit d'une bonne réputation internationale. Il se peut qu'ils perdent, mais je
ne sais pas si c'est important. Encore une fois, il y a trois parties : ceux
qui soutiennent Israël, ceux qui s'opposent à Israël et ceux qui se trouvent au
milieu et qui ne sont pas tout à fait sûrs. Toute l'attention se concentre sur
la dernière partie. Sera-t-elle influencée par la CIJ ? Sera-t-elle influencée
par la couverture médiatique ? Au fil du temps, cette tranche entre les factions
pro et anti-Israël se réduit. De plus en plus de gens, surtout au cours des
trois derniers mois, ont choisi leur camp et savent ce qu'ils pensent. Mon
opinion, par exemple, ne sera pas modifiée par le verdict de la CIJ, et la
vôtre non plus, probablement. Le nombre de personnes dont l'opinion sera
affectée par le verdict de la CIJ n'est probablement pas très élevé.
Q : Si la CIJ se prononce contre Israël, n'est-il pas
possible que tous les fonctionnaires, les ministres et même le Premier ministre
soient arrêtés lors de leurs déplacements à l'étranger ?
R : Je ne suis pas
du genre à vous parler des détails juridiques, mais un verdict de la CIJ contre
Israël pourrait compliquer la vie des Israéliens dans les pays qui acceptent ce
verdict. On peut supposer que les Israéliens savent de quels pays il s'agit et,
probablement, ce sont des pays où ils ne voudraient pas aller de toute façon.
Q : Où se situe la Chine dans tout cela ?
R : La Chine a
entretenu d'assez bonnes relations avec Israël pendant des décennies, mais
celles-ci se sont sérieusement dégradées. TikTok,
le média social chinois, est farouchement antisémite et le gouvernement
chinois se range de plus en plus du côté des forces anti-israéliennes, l'Iran
en particulier. La Chine sort de la zone neutre pour entrer dans la zone
hostile. C'est parfaitement logique : les États-Unis sont proches d'Israël, la
Chine n'aime donc pas Israël.
Q : Comment Israël ramènera-t-il les personnes kidnappées
en vie ?
R : Je ne mettrais
pas l'accent sur les otages et je n'en ferais pas un centre d'intérêt majeur
pour le public, mais je me concentrerais plutôt sur la victoire. Le moyen de
les ramener en vie n'est certainement pas d'utiliser des rubans jaunes et des
photos des disparus ; cela reviendrait à commettre une énorme erreur.
L'intelligence consiste à écarter le sujet et à dire aux familles des otages :
"Nous pensons beaucoup à vos
proches. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir. Nous ne le faisons pas
en négociant avec le Qatar et le Hamas. Nous le faisons en gagnant."
Q : Comment voyez-vous l'évolution du face-à-face entre
Israël et le Hezbollah ?
R : Comme je l'ai
déjà dit, le Hezbollah joue le jeu et connaît les règles du jeu, tout comme
Israël. En 2006, les Israéliens ont enfreint les règles du jeu, mais il est peu
probable qu'ils le fassent aujourd'hui, étant donné qu'ils se concentrent sur
Gaza. Le Hezbollah ne veut pas être écrasé, il voit que les Israéliens sont en
colère, et je m'attends donc à ce que les hostilités de faible intensité des
trois derniers mois se poursuivent. Je serais surpris que cela dégénère en une
guerre totale comme en 2006 ou aujourd'hui à Gaza.
Q : Que faut-il pour permettre aux Israéliens du nord du
pays de rentrer chez eux ?
R : C'est un gros
problème, car les hostilités du Hezbollah ont perturbé leur vie et ont poussé
des centaines de milliers d'Israéliens à s'éloigner de la frontière nord avec
le Liban. Les Israéliens doivent conclure un de ces accords implicites avec le
Hezbollah. Pour ce faire, ils doivent faire comprendre au Hezbollah que la
situation actuelle est inacceptable et qu'elle ne peut plus durer. Le Hezbollah
reconnaîtra qu'il ne peut pas éloigner indéfiniment autant d'Israéliens de
leurs maisons. Mais les Israéliens sont débordés et se concentrent davantage
sur Gaza que sur le Liban, si bien que cela ne s'est pas encore produit.
Q : Avez-vous une idée de qui gouvernera Gaza après la
victoire d'Israël ?
R : Je ne sais pas
qui le fera. Je sais qui je veux. Beaucoup de Gazaouis méprisent le Hamas et le
fait qu'il les utilise comme chair à canon. Ils veulent une vie normale,
c'est-à-dire une vie comparable à celle de l'Égypte ou de la Jordanie, où on n’est
pas particulièrement amical envers Israël, mais où on vit aux côtés d'Israël
sans causer de problèmes. Je pense qu'il existe une cohorte de Gazaouis qui
travailleront avec Israël pour mettre en place une administration, une force de
police et gouverner l'entité en tant qu'agence quasi-gouvernementale. J'espère
vraiment que les Israéliens iront dans cette direction et que le gouvernement
américain ne se mettra pas en travers de leur chemin. C'est ce qu'il y a de
mieux pour Gaza et pour Israël.
Q : A quoi ressemblera finalement la défaite totale du
Hamas par Israël ? Y aura-t-il une réunion et la signature d'un document de
reddition, comme au Japon ou en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale,
ou n'y aura-t-il plus de Hamasniks pour se rendre, et la reddition sera assumée
?
R : Il n'y a pas eu
de cérémonie de reddition depuis 1945, pour autant que je sache, et il n'y en
aura pas non plus aujourd'hui. Mais il y aura un effondrement de l'autorité du
Hamas et de la capacité du Hamas à pénétrer dans la bande de Gaza et à
provoquer des hostilités contre Israël. Cela constituera une victoire pour
Israël.
Q : Étant donné que le Hamas ne cherche pas la victoire à
Gaza, comment Israël déterminera-t-il son point d'arrivée dans la guerre ?
R : Le Hamas
recherche la victoire, mais pas sur le champ de bataille. Il cherche la
victoire en trouvant des soutiens dans le monde entier. Israël doit empêcher le
Hamas de détenir un quelconque pouvoir à Gaza.
Q : Dans quelle mesure le conflit avec le Hamas
consiste-t-il à s'attaquer à un symptôme et non au virus, c'est-à-dire à l'Iran
?
R : L'Iran est la
tête de l'hydre et il est à l'origine des attaques en Irak, en Syrie, au Liban,
à Gaza et au Yémen. Qui sait où ils iront ensuite ? [Il faut s'attaquer au
régime iranien, et en particulier à son infrastructure nucléaire. Le
gouvernement américain se montre préoccupé, mais il a clairement indiqué qu'il
ne ferait rien. Qui sait ? Il pourrait s'agir d'une feinte, mais à ce stade, il
n'y a aucune raison de ne pas y croire. L'Iran est la source ultime de nombreux
problèmes au Moyen-Orient, mais le gouvernement américain n'a jamais eu pour objectif,
depuis 1979, de renverser la République islamique. Nous n'avons jamais aidé les
dissidents à faire quoi que ce soit, en particulier en 2009. Il y a plus d'un
an, nous n'avons pas réagi aux manifestations de Mahsa Amini dans tout l'Iran.
Il est temps d'affronter la véritable source de la plupart des problèmes du
Moyen-Orient, à savoir Téhéran.
Q : Les journalistes qui ont accompagné le déchaînement
meurtrier du Hamas ont-ils eu des conséquences ?
R : Ils ont été
remarqués et signalés, mais je ne sais pas s'ils ont été licenciés, et encore
moins pénalisés.
Q : Pendant ce temps, les massacres en Russie et en
Ukraine se poursuivent sans que les civils innocents tués ne soulèvent de
tollé. Pourquoi cette approche différente ? Pourquoi, lorsqu'Israël agit, y
a-t-il un examen aussi minutieux ?
R : Pas seulement
en Ukraine, mais êtes-vous au courant de l'insurrection du 27/10, pas du 7/10
mais du 27/10, qui a eu lieu au Myanmar, en Birmanie ? Il s'agit d'un effort
majeur de la part des insurgés pour renverser l'horrible gouvernement militaire
en place, mais il faut chercher longtemps pour trouver des informations à ce
sujet, sans parler du Soudan, de l'est du Congo ou d'autres zones de conflit
beaucoup plus vastes. Lorsque des Occidentaux combattent des non-Occidentaux -
des Américains en Irak ou des Français en Afrique de l'Ouest - cela fait la
une, et d'autant plus lorsqu'il s'agit d'Occidentaux juifs. Cela attire
beaucoup plus l'attention que lorsque ce sont des non-Occidentaux qui se
battent contre des non-Occidentaux.
Q : Qu'en est-il de la Russie ? De quel côté se
trouve-t-elle ?
R : Le 7 octobre a
eu de nombreuses implications là où on ne s'y attend pas, comme la présidence
de l'université de Harvard. Une autre est de lier de plus en plus étroitement
les Russes à l'Iran. Cela dit, les Russes n'ont pas besoin de s'attirer
davantage d'inimitiés, et ils ne créent donc pas gratuitement des problèmes à
Israël. Il existe un certain cessez-le-feu entre la Russie et Israël, en
particulier en Syrie. Ils évitent de s'attirer des ennuis mutuels. Peut-être
que cela se produira à l'avenir, mais pas maintenant.
Q : Y a-t-il un risque d'escalade de la guerre entre
Israël et le Hamas ? Y a-t-il des indications que cela pourrait s'étendre à
l'Iran, et que les États-Unis et les puissances mondiales pourraient
s'impliquer dans ce conflit ?
R : C'est déjà le
cas. Prenons l'exemple du Yémen, des États-Unis, de la Grande-Bretagne. Cela
pourrait s'étendre au Liban. Je ne pense pas que le gouvernement syrien cherche
à s'attirer les foudres d'Israël, mais la situation pourrait s'étendre à
d'autres pays. Des rapports suggèrent que des insurgés et des conspirateurs
iraniens sont en marche en Jordanie. Les implications sont bien plus nombreuses
que je ne l'aurais imaginé il y a trois mois. En particulier, la perturbation
du commerce mondial par les Houthis peut entraîner toutes sortes de problèmes.
Que se passera-t-il s'ils font exploser un pétrolier ?
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Références :
Daniel
Pipes: Making Sense of the Hamas-Israel War, traduction Le
Bloc-note
Par Daniel Pipes, Middle East Forum Webinar, le 15 janvier 2024
Daniel Pipes
(DanielPipes.org, @DanielPipes) , né en 1949 à
Boston dans le Massachusetts, est un universitaire et journaliste
américain, spécialiste reconnu des questions relatives à l’Islam et
son influence sur la politique internationale, au Moyen-Orient en particulier. Il est président du Middle East Forum et auteur de l'ouvrage Islamism
vs. The West : 35 Years of Geopolitical Struggle (Wicked Son), qui
vient d'être publié. © 2023 par Daniel Pipes. Tous droits réservés.