La campagne militaire israélienne contre l'organisation terroriste Hamas est peut-être encore en cours, mais l'attention internationale se concentre déjà sur le "jour d'après" dans la bande de Gaza.
Ilan Berman |
Il existe en effet de nombreuses
preuves à cet égard, notamment des témoignages d'excès flagrants du Hamas
relayés par des habitants déplacés de Gaza et des condamnations publiques
croissantes de la part de ceux qui sont pris entre ses feux et ceux d'Israël.
Malgré cela, il y a de nombreuses raisons de penser que la situation sur le
terrain est beaucoup plus compliquée que les experts et les décideurs
politiques occidentaux ne sont enclins à le croire.
Un nouveau sondage réalisé le
mois dernier par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR),
largement considéré comme le principal institut d'opinion publique dans les
territoires palestiniens, a mis en évidence cette complexité. L'enquête, menée
auprès de plus de 1.200 adultes palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de
Gaza, a révélé qu'à la suite du massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre, le
soutien au groupe militant a bondi en Cisjordanie et augmenté modestement dans
la bande de Gaza également.
L'étude a en outre révélé que
l'opinion publique soutenait largement l'offensive du Hamas, qui s'est traduite
par le plus grand massacre de Juifs depuis l'Holocauste. Près des trois quarts
des personnes interrogées dans le cadre du sondage du PCPSR ont approuvé les
actions du groupe terroriste, les qualifiant de justifiées. (Notamment, de
nombreuses personnes interrogées semblaient ne pas connaître ou ne pas croire
l'ampleur des atrocités perpétrées par le Hamas, qui comprennent d'horribles
incidents de viols et de violences sexuelles ainsi que l'exécution sommaire
d'enfants et de civils âgés).
Ce soutien reflète une tendance
plus large et profondément troublante. Les résultats de l'enquête montrent que le soutien général à la lutte armée contre
Israël a augmenté de "dix points de pourcentage par rapport à il y a trois
mois" dans les territoires palestiniens, "plus de 60 % d'entre
eux estimant qu'il s'agit du meilleur moyen de mettre fin à l'occupation
israélienne". En Cisjordanie, les résultats sont encore plus prononcés, le
soutien à la violence atteignant "près de 70 %".
Ces sentiments ont une importance
considérable pour toute discussion sur ce qui se passera à Gaza après la
défaite du Hamas. Certains ont suggéré que l'Autorité palestinienne du président
Mahmoud Abbas pourrait simplement intervenir et prendre le contrôle, en
administrant Gaza en plus de la Cisjordanie. Pourtant, comme le montrent
clairement les résultats du sondage du PCPSR, l'Autorité palestinienne manque
de crédibilité auprès des Palestiniens ordinaires et n'est tout simplement pas
une option viable. En effet, l'enquête a révélé que le soutien à Abbas et à sa
faction du Fatah a considérablement diminué, environ deux tiers des personnes interrogées appelant désormais à la
"dissolution" pure et simple de l'Autorité palestinienne.
Israël est conscient de ces dures
réalités. Fin décembre, le conseiller israélien à la sécurité nationale, Tzachi
Hanegbi, a publié une tribune dans le journal saoudien Elaph, exposant les
idées de son gouvernement sur ce qui se passera après la guerre entre Israël et
le Hamas.
M. Hanegbi a clairement indiqué
qu'Israël cherchait à soutenir une
"entité palestinienne modérée" pour gouverner Gaza à la place du
Hamas, et a souligné que l'Autorité palestinienne, du moins telle qu'elle est
actuellement constituée, n'était pas cette entité. "Israël est conscient
du désir de la communauté internationale d'intégrer l'Autorité palestinienne
dans la bande de Gaza au lendemain de la chute du Hamas", a-t-il écrit.
"Nous disons clairement que pour que cela se produise, l'Autorité
palestinienne devra subir une réforme fondamentale".
La position de M. Hanegbi reflète
une lecture sobre de la situation actuelle dans les territoires palestiniens.
Des années de corruption et de mauvaise gestion ont profondément discrédité
Abbas et ses acolytes auprès du peuple palestinien. Dans le même temps, le
soutien international (y compris celui des États-Unis) a perpétué un statu quo
maléfique et jeté les bases d'une polarisation et d'une radicalisation
profondes de la politique palestinienne.
Aujourd'hui, Israël et la
communauté internationale doivent faire face au fait que, loin d'être captifs
du Hamas, la majorité des Palestiniens en sont venus à considérer le groupe
comme leur porte-drapeau. Changer ces
perceptions sera sans doute la partie la plus difficile de la construction
d'une nouvelle politique palestinienne, qualitativement différente, dans les
années à venir.
------------------------------------
Références :
Grassroots
radicalism is clouding Gaza’s future, traduction Le Bloc-note
par Ilan Berman, The
Hill, 16 janvier 2024
Ilan Berman est premier
vice-président du Conseil américain de politique étrangère à Washington.