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31 janv. 2024

Il faut supprimer l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, par Bret Stephens

 Les agences et les fonctionnaires des Nations unies ne sont pas immunisés contre les scandales et l'infamie. 

Bret Stephens
Les soldats de la paix de l'ONU ont provoqué une épidémie de choléra en Haïti et commis d'horribles abus sexuels en République démocratique du Congo. Le programme "pétrole contre nourriture" de l'ONU pour l'Irak s'est transformé en un système de pots-de-vin de plusieurs milliards de dollars qui a permis à Saddam Hussein d'échapper aux sanctions internationales. Dans les années 1980, Kurt Waldheim, ancien secrétaire général de l'ONU, a été démasqué en tant qu'ancien nazi. C'est ce même secrétaire général qui a dénoncé le sauvetage des otages juifs d'Entebbe par Israël en 1976 comme une "grave violation" de la souveraineté nationale de l'Ouganda.

Le dernier scandale en date concerne l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine, mieux connu sous le nom d'UNRWA.

Vendredi dernier, des responsables israéliens ont présenté au gouvernement américain un dossier de renseignements détaillant l'implication de 12 employés de l'UNRWA, dont sept instituteurs, dans le massacre du 7 octobre. Comme le rapportent Ronen Bergman et Patrick Kingsley du Times, les accusations vont de l'enlèvement d'une Israélienne au stockage de grenades propulsées par fusée, en passant par le meurtre de civils dans un kibboutz.

C'est assez horrible - et l'ONU a, à juste titre, réagi rapidement en mettant fin à l'emploi de neuf des personnes identifiées dans le dossier. Mais ce n'est peut-être pas tout. "Les estimations des services de renseignement communiquées aux États-Unis concluent qu'environ 1.200 des quelque 12.000 employés de l'UNRWA à Gaza ont des liens avec le Hamas ou le Jihad islamique palestinien, et qu'environ la moitié d'entre eux ont des parents proches qui appartiennent à ces groupes militants islamistes ", a rapporté le Wall Street Journal lundi.

Il convient de garder ces chiffres à l'esprit la prochaine fois que vous évaluerez la crédibilité des informations sur Gaza fournies par les Nations unies. Comme l'a fait remarquer Bassam Eid, du Groupe palestinien de surveillance des droits de l'homme, il y a plus de dix ans, "pour que l'UNRWA survive, elle accepte les conditions [du Hamas] sous peine d’interrompre ses activités".

Ces nouvelles révélations ont suffi à l'administration Biden pour suspendre son financement à l'agence - d'une valeur de près de 350 millions de dollars en 2022 - le temps d'enquêter sur ces allégations. Depuis mardi, d'autres bailleurs de fonds importants, dont la France, l'Allemagne et le Japon, ont fait de même.

C'est un début. Mais le problème fondamental de l'agence n'est pas qu'elle semble infestée de terroristes et de leurs sympathisants, ou que leurs salaires sont payés par des donateurs étrangers naïfs. C'est que l'UNRWA est peut-être la seule agence du système des Nations unies dont l'objectif principal est de perpétuer les griefs et les conflits. Elle devrait être supprimée.

Pensez-y de la manière suivante. Les Nations unies disposent de deux agences qui se consacrent au sort des réfugiés. L'une, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), est responsable du bien-être de la quasi-totalité des plus de 30 millions de réfugiés dans le monde et a pour mission de les aider à se réinstaller dans des pays tiers s'ils ne peuvent pas rentrer chez eux.

L'autre est l'UNRWA, qui opère théoriquement sous l'égide du haut-commissaire, mais qui est en réalité une organisation à part entière. Aucun autre groupe, à l'exception des Palestiniens, ne dispose de sa propre agence permanente.

Pourquoi ? En partie parce que les pays arabes voisins, comme le Liban, ont cruellement interdit l’installation complète des réfugiés palestiniens, leur refusant la citoyenneté mais aussi, dans de nombreux cas, le droit à la plupart des formes de travail. En 1991, le Koweït est allé plus loin en expulsant des centaines de milliers de Palestiniens en quelques jours, parce que le dirigeant palestinien Yasser Arafat avait soutenu Saddam Hussein pendant la guerre du golfe Persique. Pensez-y la prochaine fois que les gouvernements arabes se déclareront solidaires du peuple palestinien.

Le cynisme est tout aussi grave que la cruauté. Les changements de frontières et les mouvements d'indépendance de l'après-guerre ont produit des millions de réfugiés : Allemands, Indiens, Pakistanais, Palestiniens et Juifs, dont quelque 800.000 Juifs chassés des pays arabes où ils vivaient depuis des siècles. Presque tous ont trouvé une nouvelle vie dans de nouveaux pays, à l'exception des Palestiniens. Ces derniers ont été maintenus dans la condition de réfugiés perpétuels afin de délégitimer Israël et de préserver le fantasme irrédentiste selon lequel leurs descendants exerceront un jour ce qu'ils croient être leur "droit au retour", lequel passe effectivement par l'élimination de l'État juif.

C'est sur la base de ce prétendu droit que les efforts déployés pour parvenir à un accord de paix global entre Israéliens et Palestiniens ont échoué. C'est également ce droit que l'existence même de l'UNRWA maintient a flot. Les Palestiniens devraient être citoyens des pays dans lesquels ils vivent - tout comme le sont les quelque deux millions d'Arabes en Israël. Ils ne devraient pas être les instruments d'une lutte sans fin, subventionnés d'une génération à l'autre par les largesses de la communauté internationale.

Les défenseurs de l'UNRWA insistent sur le fait que sans lui, les civils palestiniens souffriraient encore plus. Mais il n'y a aucune raison pour que d'autres agences internationales ne supportent pas le fardeau de l'aide immédiate aux habitants de Gaza. En attendant, l'administration Biden et les autres gouvernements doivent poser des questions difficiles aux hauts responsables de l'UNRWA, à commencer par le commissaire général Philippe Lazzarini.

A savoir : Si Lazzarini et ses adjoints ne savaient pas que l'UNRWA à Gaza employait potentiellement des centaines de membres ou de sympathisants du Hamas, quel type de contrôle exerçaient-ils ? Et s'ils savaient, ne sont-ils pas responsables ? Dans les deux cas - négligence grave ou complicité discrète - ils doivent démissionner maintenant.

Le conflit israélo-palestinien ne devrait pas être insoluble. Mais il ne peut être résolu tant que des millions de Palestiniens demeurent les seuls réfugiés permanents du monde. Ce faisant, l'UNRWA s’érige lui-même en obstacle à la paix - une raison suffisante pour qu'il disparaisse enfin.

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Références :

Abolish the U.N.’s Palestinian Refugee Agency  traduction Le Bloc-note

par Bret Stephens, New York Times, le 30 janvier 2024

Bret Stephens est chroniqueur au New York Times depuis 2017, sur le champ de la politique étrangère, de la politique intérieure et des questions culturelles. Il a étudié la philosophie politique à l'université de Chicago et la politique comparée à la London School of Economics. Il a travaillé au Wall Street Journal à Bruxelles, et a été rédacteur en chef du Jerusalem Post, ce qui lui a valu le prix Pulitzer 2013. Il a écrit "America in Retreat : The New Isolationism and the Coming Global Disorder".