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21 mars 2024

Une guerre contre le Hezbollah est-elle imminente ?, par Israel Kasnett

L'Iran aurait autorisé son mandataire libanais à lancer une attaque de grande envergure contre Israël si les FDI envahissent Rafah ; le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a juré de le faire. 

Israel Kasnett

L'attention du monde est concentrée sur Gaza, mais si une guerre éclate à la frontière nord d'Israël avec le Liban, elle sera beaucoup plus large et plus destructrice que celle qu'Israël mène contre le Hamas. Le Hezbollah s'est jusqu'à présent abstenu de lancer une attaque de grande envergure contre Israël, bien qu'il ait continuellement tiré des roquettes, des mortiers et des drones sur l'État hébreu depuis le 8 octobre. Chaque augmentation de l'intensité des attaques du Hezbollah risque de franchir le seuil d'un tel conflit. L'Iran aurait autorisé son mandataire libanais à mener une attaque de grande envergure contre Israël si le Hezbollah est "certain" qu'Israël envahira la ville de Rafah à Gaza, dernier bastion du Hamas. Étant donné l'intention déclarée d'Israël d'entrer dans Rafah, la guerre avec le Hezbollah semble donc imminente.

L'envoyé spécial américain Amos Hochstein a fait la navette entre les États-Unis, le Liban et Israël afin d'éviter que le conflit ne s'étende. Le Hezbollah viole la résolution 1701 de l'ONU depuis 2006, puis, le 8 octobre, il a de nouveau violé l'accord de 2022 sur la frontière maritime entre Israël et le Liban, négocié par M. Hochstein. L'avertissement "Don't" du président américain Joe Biden en octobre n'a pas fonctionné.

Selon Blaise Misztal, vice-président de JINSA, aussi louable que soit l'objectif des États-Unis de prévention de l’extension  du conflit, "en le conduisant de cette façon, cette administration a malheureusement oublié ce que George Washington savait déjà : 'se préparer à la guerre est l'un des moyens les plus efficaces de préserver la paix'".

"Les responsables américains semblent croire que le meilleur moyen de préserver la paix est de désavouer bruyamment toute action visant à empêcher l'adversaire de recourir à la force", a-t-il déclaré à JNS. "Cette approche a conduit à la mort de membres des services américains en Jordanie et à la perturbation de la navigation en mer Rouge, les mandataires iraniens ayant pris la réticence des États-Unis pour une invitation à l'escalade. Cela a finalement contraint l'administration à adopter une approche plus agressive.

Les États-Unis, poursuit-il, "ne semblent pas encore appliquer ces leçons au Liban, où ils espèrent que leur empressement à conclure un accord empêchera les attaques du Hezbollah qui se multiplient de déboucher sur un conflit plus large".

Cette approche peut sembler efficace à court terme : les frappes israéliennes sont de plus en plus fréquentes et le déploiement des porte-avions américains dans la région par Joe Biden est encore frais dans les mémoires. Mais de fait, le Hezbollah considère l'accent mis par les États-Unis sur la diplomatie comme une faiblesse, a-t-il déclaré.

Le Hezbollah cherchera à exploiter cette faiblesse perçue pour obliger Israël à faire des concessions territoriales et obtenir autres concessions occidentales dans tout accord futur soutenu par les États-Unis, a-t-il poursuivi. En outre, la crainte avérée d'une escalade ressentie par les États-Unis rend plus probable une issue militaire.

En juillet 2023, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est vanté : "Ce que nous avons fait avec le pétrole, le gaz et la délimitation de la frontière maritime, aujourd'hui, grâce à la complémentarité et à la coopération entre l'État et la résistance [...] nous pouvons récupérer nos terres occupées dans la ville de Ghajar".

Le 5 janvier, Nasrallah s'est vanté : "Nous avons maintenant la possibilité de faire rendre à Israël les territoires libanais qu'il lui a pris, comme les fermes de Chebaa, grâce à notre position aux côtés de Gaza et de son peuple. Mais toute discussion à ce sujet ne doit avoir lieu qu'après la fin de la guerre contre Gaza, et c'est là notre position officielle".

En février, M. Nasrallah a déclaré que les attaques du groupe terroriste contre Israël se poursuivraient jusqu'à ce qu'Israël cesse son "agression" à Gaza.

Il y a ensuite la question des résidents évacués par Israël. Depuis que le Hezbollah a commencé ses attaques transfrontalières le 8 octobre, des dizaines de milliers d'Israéliens ont été évacués de leurs habitations dans le nord, une situation qui exerce une pression énorme sur le gouvernement du pays.

Le général de division (à la retraite) Yaakov Amidror, membre éminent du JINSA, a fait remarquer lors d'un récent séminaire en ligne de cet institut que "près de 100.000 Israéliens ont été évacués du nord et qu'ils ne peuvent pas revenir dans les circonstances actuelles. Si nous ne trouvons pas de solution à ce problème, que ce soit par un accord diplomatique [...] ou parce que le Hezbollah modifie la répartition de ses forces autour de la frontière, nous devrons nous lancer dans une grande guerre que nous ne voulons pas".

Si le monde et le gouvernement libanais n'agissent pas pour empêcher les tirs sur les résidents du nord d'Israël et pour éloigner le Hezbollah de la frontière, les forces de défense israéliennes s'en chargeront.

Une solution diplomatique pourrait impliquer une évacuation du Hezbollah à 8-10 kilomètres de la frontière. Le Hezbollah serait remplacé par 10.000 à 12.000 soldats des Forces armées libanaises (FAL). Israël serait également tenu de cesser de survoler l'espace aérien libanais et de retirer partiellement ses troupes de son côté de la frontière.

Mais le Hezbollah a déjà rejeté une récente proposition française qui l'aurait obligé à se retirer à 10 kilomètres de la frontière.

Il ne faut pas non plus s'attendre à une aide de la part du gouvernement libanais, qui semble ne pas vouloir ou ne pas pouvoir, ou les deux, empêcher le mandataire iranien d'entraîner le pays en crise dans une guerre coûteuse.

"Les pays ne peuvent pas permettre à leurs territoires de devenir des bases à partir desquelles des groupes non étatiques comme le Hezbollah peuvent attaquer d'autres États", a déclaré David Daoud, chercheur principal à la Foundation for Defense of Democracies (Fondation pour la défense des démocraties).

"Le Liban semble ne pas vouloir ou ne pas pouvoir respecter cette obligation en restreignant ou en désarmant le Hezbollah", a-t-il déclaré à JNS.

Au lieu de cela, et comme il a procédé lors des négociations sur la détermination de la frontière maritime, "le Liban exploite les attaques continuelles du Hezbollah et l'aversion de la communauté internationale pour une guerre Hezbollah-Israël pour obtenir des concessions des Israéliens et de la communauté internationale". 

Selon M. Daoud, alors que le Liban promet une "mise en œuvre complète" de la résolution 1701, la réalité est tout autre. "Ce n'est pas ce que le Liban promet de faire,. C’est seulement si toutes ses conditions sont satisfaites qu’il étudierait la possibilité de mettre en œuvre la résolution 1701".

Même si les négociations en cours sous l'égide des États-Unis aboutissent à un accord, celui-ci "ne garantira aucun résultat à long terme", car le Hezbollah n'a manifestement pas l'intention d'honorer les accords conclus sous l'égide des États-Unis, a ajouté M. Daoud. Il n'arrêtera certainement pas l'armement du Hezbollah sur la voie de la grande guerre régionale qu'il promet de lancer contre Israël à l'avenir avec ses autres alliés de l'"axe de la résistance"".

Selon Zac Schildcrout, analyste politique du JINSA, pour dissuader le Hezbollah de lancer de nouvelles attaques, il faut convaincre le Hezbollah que les États-Unis soutiendront Israël dans une guerre de grande ampleur, voire y participeront, si cela s'avère nécessaire pour rétablir la sécurité des habitants du nord d'Israël.

De même, selon Misztal, "la meilleure façon de s'assurer que le Hezbollah ne lance pas - ou ne puisse pas lancer - une attaque dévastatrice contre Israël serait que les États-Unis fassent ce que le président Washington a conseillé et que M. Biden a fait en octobre : montrer clairement que les États-Unis sont prêts à la guerre aux côtés de leur partenaire Israël, si quiconque menace la sécurité de l'un ou de l'autre".

Toutefois, M. Daoud a souligné qu'un tel soutien ne devait pas aller jusqu'à des "bottes sur le terrain".

"L'armée israélienne peut mener seule la bataille contre le Hezbollah et, en fait, il est préférable pour les États-Unis et pour Israël que Tsahal le fasse", a-t-il déclaré. "Israël ne peut pas être perçu comme ayant besoin de bottes américaines sur le terrain pour affronter le Hezbollah, car cela nuirait "irréversiblement" à la dissuasion israélienne.

C'est sur le front diplomatique que le soutien des États-Unis sera réellement nécessaire.

"Israël aura besoin de temps pour mener une guerre contre le Hezbollah jusqu'à la victoire, et il se battra contre deux horloges différentes : la volonté du front intérieur israélien de persévérer dans une guerre sans précédent, et [celle] du Conseil de sécurité des Nations unies".

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Références :

Is a war against Hezbollah imminent? Traduction Le Bloc-note

par Israel Kasnett, JNS, le 20 mars 2024

Israel Kasnett est le chef adjoint du Bureau de Jérusalem de JNS