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5 févr. 2024

Sans l'UNRWA, il n'y aurait pas de Hamas - il doit être démantelé, par Einat Wilf

La suspension temporaire du financement de l'UNRWA par le Canada, suite aux accusations de participation de certains de ses membres au massacre du 7 octobre dans le sud d'Israël, devrait devenir permanente. 

Einat Wilf

Le fait que l'UNRWA ait créé les conditions idéales pour l'émergence de groupes terroristes meurtriers, de Septembre noir, qui a perpétré l'horrible massacre des athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich en 1972, au Hamas, n'est pas un bug dans le système d'exploitation, mais une constante. Quiconque se soucie réellement de tracer la voie vers une paix véritable au Moyen-Orient devrait avoir tout intérêt à ce que l'UNRWA soit démantelée.

Il y a plus de soixante-dix ans, la création d'une agence temporaire chargée d'accueillir les réfugiés de guerre n'avait rien d'exceptionnel. Avec l'effondrement des empires - habsbourgeois, ottoman ou britannique - et l'émergence de nouveaux États pour remplacer les anciennes terres impériales, des dizaines de millions de personnes sont devenues des réfugiés alors qu'elles fuyaient à travers des frontières nouvellement délimitées. Que ce soit dans le sous-continent indien, en Europe, en Afrique ou au Moyen-Orient, les guerres brutales d'indépendance post-impériale qui ont entraîné des dizaines de millions de réfugiés n'ont rien d'exceptionnel. Ces réfugiés ont tous été installés dans les lieux où ils avaient fui (généralement de nouveaux pays avec une composition ethnique similaire à celle des réfugiés) ou dans d’autres localisations. Cela s'est fait grâce à des efforts locaux et indépendants ou par l'intermédiaire d'agences spécialisées.

L'agence générale créée pour s'occuper des réfugiés, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, s'est surtout concentrée sur l'Europe au cours de ses premières années de fonctionnement. C'est pourquoi, dans d'autres conflits de la fin des années 1940 et du début des années 1950, comme celui de Corée ou du Moyen-Orient, des agences spécialisées temporaires ont été créées dans le but d'installer les réfugiés en quelques années seulement. Contrairement au HCR, ces agences étaient temporaires parce qu'elles étaient conçues pour remplir un objectif spécifique et fermaient leurs portes une fois celui-ci atteint. Ce fut le cas en Corée. L'UNKRA a accueilli 3,1 millions de réfugiés de la guerre, soit au moins trois fois le nombre de réfugiés arabes de la guerre israélo-arabe de 1947-1949, avec un tiers du budget alloué à l'UNRWA. Elle a terminé son travail en quelques années et a fermé ses portes, comme prévu. Regardez la Corée du Sud aujourd'hui. Cela aurait pu être le cas des Arabes.

Mais les réfugiés arabes eux-mêmes, aujourd'hui connus sous le nom de Palestiniens, ont refusé toute forme de colonisation sur place parce qu'ils savaient que cela signifierait que la guerre est terminée et que l'État juif serait ainsi légitimé comme un fait accompli. Étant donné que l'objectif explicite des Arabes dans la guerre de 1947-1949 était de s'assurer qu'aucun État juif, quelle que soit sa taille, n'émerge entre le Jourdain et la mer Méditerranée, les réfugiés arabes étaient déterminés, même lorsqu'un cessez-le-feu avec les États arabes a mis fin à la guerre, à continuer à se battre pour s'assurer que l'État juif soit réduit à néant. Se maintenir en tant que réfugiés perpétuels, en rejetant toute forme d'installation personnelle permanente qui permettrait à Israël d'exister, est devenu l'une des principales armes de cette guerre arabe totale contre l'État juif.

L'UNRWA a été créée avec les meilleures intentions du monde pour aider à installer les réfugiés arabes de la guerre (le nombre bien plus important de réfugiés juifs, y compris ceux de la guerre et ceux qui ont fait l'objet d'un nettoyage ethnique dans le monde arabe en représailles à la naissance d'Israël, ainsi que les réfugiés juifs survivants de l'Holocauste, ont tous été absorbés par Israël sans aucun soutien international). Mais les réfugiés arabes et les pays arabes se sont opposés à la réinstallation par l'UNRWA. L'Office n'a donc pas réussi à installer ne serait-ce qu'un seul réfugié arabe. Les bailleurs de fonds de l'UNRWA à l'époque, les États-Unis et le Royaume-Uni, voulaient fermer l'agence en faillite. Il ne faisait aucun doute que l'UNRWA ne parvenait pas à installer les réfugiés.

Mais les pays arabes ne voulaient pas entendre parler de la fermeture de l'UNRWA. Ils avaient déjà obtenu le sigle "UN" dans son nom afin de faire passer le message que l'existence d'Israël était essentiellement de la faute de l'ONU. Ils obtinrent également du HCR une exception légale pour l'UNRWA, sachant que si les réfugiés arabes étaient traités comme tous les autres réfugiés dans le monde, il ne resterait plus aucun réfugié en quelques années. L'étape suivante consista alors à s'assurer que l'UNRWA reste ouverte et financée par l'Occident. Compte tenu de l'importance du pétrole et de la position arabe dans la guerre froide, les pays arabes menacèrent avec succès les États-Unis et le Royaume-Uni pour que l'UNRWA reste ouverte L'UNRWA est toujours ouverte en tant qu'agence temporaire, financée par de nombreux pays occidentaux à hauteur de plus d'un milliard de dollars par an.

Lorsqu'il est devenu évident que l'UNRWA n'accueillerait pas un seul réfugié arabe et qu'elle ne fermerait pas ses portes, il fallut lui trouver de quoi s’occuper, d'autant plus que l'aide immédiate n'était plus nécessaire. Ce qui avait commencé par des initiatives de formation professionnelle s'est transformé en quelques années en un système d'éducation tentaculaire géré par les réfugiés arabes eux-mêmes. Dans les complexes de l'UNRWA (appelés à tort "camps de réfugiés") et dans les écoles, un nouveau nationalisme est né, le nationalisme palestinien, qui a réuni les Arabes vivant en Jordanie, en Syrie, au Liban et dans la bande de Gaza autour d’objectifs de vengeance et de "retour". L'idée que les Palestiniens étaient des "réfugiés" génération après génération, qu’ils possédaient un "droit au retour" supérieur à la souveraineté israélienne, de s'installer sur le territoire souverain d'Israël, est devenue le marqueur le plus profondément ancré de l'identité palestinienne et de son ethos national.

Mais les Palestiniens ne sont pas des réfugiés au sens où l'entend la communauté internationale. L'UNRWA enregistre 5,9 millions de réfugiés dans ses cinq zones d'opération : Gaza, Cisjordanie, Jordanie, Syrie et Liban. Quarante pour cent d'entre eux vivent en Cisjordanie et à Gaza. Selon leurs dires, ils vivent en Palestine. Ils y sont nés et y ont vécu. C'est là qu'ils doivent construire leur avenir. Ce ne sont pas des réfugiés et n'ont pas besoin d'être réinstallés.

Quarante autres pour cent sont des citoyens jordaniens. La Jordanie a naturalisé les réfugiés arabes après la guerre. Aujourd'hui, la grande majorité des personnes enregistrées comme réfugiés en Jordanie sont nées en Jordanie. Nulle part ailleurs dans le monde, un citoyen d'un pays, né dans ce pays, est en quelque sorte un réfugié d'un autre pays souverain.

Les 20 % restants sont enregistrés en Syrie et au Liban. Ces deux pays ont refusé la citoyenneté à ces résidents nés dans un pays arabe. Le Liban dispose également d'un ensemble de lois empêchant ces Arabes de participer à l'économie et à la société libanaises (un véritable système d'apartheid). Pourtant, des données récentes montrent que la plupart des personnes enregistrées en Syrie et au Liban ont quitté ces pays depuis longtemps. Nombre d'entre eux ont obtenu la nationalité d'autres pays, et pourtant l'UNRWA continue de les enregistrer en tant que "réfugiés".

Dans la pratique, le problème des "réfugiés" palestiniens est assez limité. Seules deux à trois cent mille personnes vivant au Liban et en Syrie sont soit les véritables réfugiés d'origine (ceux qui ont échappé à la guerre de 1947-1949), soit leurs descendants privés de statut qui ont besoin de s'installer sur place ou d'être réinstallés dans des pays tiers. Il s'agit de petits nombres que l'agence des Nations unies pour les réfugiés est tout à fait capable de gérer. Mais la question n'a jamais été pratique, elle a toujours été symbolique, l'objectif étant de maintenir la question des "réfugiés" palestiniens comme le signe vivant que l'existence d'Israël en tant qu'État juif est temporaire.

Non seulement les personnes enregistrées comme "réfugiés palestiniens" ne sont pas des réfugiés au sens des normes internationales, mais elles ne possèdent pas non plus de "droit au retour", c'est-à-dire un droit supérieur à la souveraineté israélienne pour s'installer sur le territoire souverain d'Israël. Un tel droit pour un peuple qui n'a jamais été citoyen d'un pays, qui supplante le droit des pays souverains de contrôler leurs frontières et de décider qui devient leur citoyen, n'existe tout simplement pas. Même les diverses résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies citées par les Palestiniens ne soutiennent pas un tel droit. Mais les Palestiniens croient qu'ils ont un tel "droit" et se sont forgés une nation basée sur l'engagement singulier du "retour" et de la vengeance.

Il n'est donc pas surprenant que l'UNRWA ait donné naissance à des générations de meurtriers entraînés, fiers de massacrer des Juifs, qu'il s'agisse des athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich en 1972 ou des kibboutzniks partisans de la paix le 7 octobre. Même si les employés de l'UNRWA n'étaient pas directement impliqués dans le meurtre de Juifs, et nous savons que plusieurs d'entre eux l'ont été, étant donné que toute leur idéologie consiste à détruire l'État juif, leur existence continue garantit pratiquement que des organisations, du genre de Septembre noir ou du Hamas, se émergeront toujours pour atteindre cet objectif.

Cela fait maintenant 14 ans que je fais des recherches sur l'UNRWA, que j'écris et m'exprime à son sujet et que je plaide pour son démantèlement. La seule raison pour laquelle j'ai consacré mon temps et mes capacités à le faire est que, contrairement à l'impression dominante, l'UNRWA et la question des "réfugiés" palestiniens ne sont pas des aspects marginaux du conflit. Ils sont au cœur du conflit et la raison de sa perpétuation. Le conflit a toujours porté sur une chose et une seule, le rejet par les Arabes du droit des Juifs à l'autodétermination dans n'importe quelle partie de leur patrie historique. Tout le reste est le résultat de ce seul refus. L'UNRWA a été l'une des forces les plus importantes pour garantir que ce rejet non seulement ne s'arrête jamais, mais qu'il soit encouragé, soutenu et amplifié pour devenir l'élément central d'un peuple entier.

J'ai toujours soutenu l'idée que les Juifs et les Arabes de la terre seraient mieux à même de se gouverner eux-mêmes dans des États qui leur seraient propres - c'est ce que l'on appelle la solution à deux États. Je continue à soutenir cette idée, mais je me considère désormais comme une militante de la paix à long terme. C'est précisément parce que je reste attachée à la paix que je comprends qu'il ne peut y avoir de paix tant que la raison fondamentale de la guerre menée pendant un siècle par les Arabes contre un État juif subsistera. Pour qu'il y ait la paix, il faut d'abord que la guerre prenne fin, et la guerre ne peut pas prendre fin s'il existe une organisation, soutenue par le Canada et d'autres puissances occidentales, qui fait tout ce qu’elle peut pour qu'elle se poursuive.

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Références :

Einat Wilf: Without UNRWA there would be no Hamas — it must be dismantled, traduction Le Bloc-note

Par Einat Wilf, National Post, 1er février 2024

Einat Wilf est ancien membre de la Knesset et co-autrice, avec Adi Schwartz, de The War of Return : How Western Indulgence of the Palestinian Dream Has Obstructed the Path to Peace, publié en 2020 par All Points Books.