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23 avr. 2024

Israël a frappé prudemment l'Iran, par la Rédaction du Wall Street Journal

Le président Biden a obtenu ce qu'il voulait d'Israël vendredi : une réponse militaire modérée contre l'Iran, qui a causé peu de dégâts et ne risque pas d'entraîner une escalade plus importante. L'erreur serait de penser qu'il s'agit de la fin de la longue guerre de l'Iran contre Israël et les États-Unis.


Israël n'a pas reconnu publiquement l'attaque, mais les explosions à l'intérieur de l'Iran suggèrent une frappe étroite, presque symbolique, peut-être avec des avions de chasse. Une base militaire à Ispahan semble avoir été la cible principale. On ne peut pas faire confiance à l'Iran pour admettre des dommages, mais la réaction discrète de l'Iran à l'attaque suggère que rien d'important n'a été touché. Le centre de recherche nucléaire d'Ispahan ne semble pas avoir été visé.

Cette frappe est un message adressé à l'Iran : Israël a la capacité militaire de frapper au plus profond de son territoire, et pas seulement ses forces supplétives au Liban, en Syrie et en Irak. Israël a également montré qu'il pouvait atteindre une cible proche d'une installation nucléaire malgré la présence du système russe de défense antimissile S-300. Et ce, le jour du 85e anniversaire du guide suprême Ali Khamenei. Les voisins arabes d'Israël ont assisté à une nouvelle démonstration de ses prouesses militaires et de sa volonté.

Mais la frappe semble également calibrée pour ne pas provoquer la colère de M. Biden, qui souhaite avant tout calmer le Moyen-Orient à l'approche des élections de novembre. Le président américain n'est peut-être pas en mesure de dissuader les adversaires de l'Amérique, mais il peut dissuader nos alliés.

Le secrétaire d'État Antony Blinken n'a pas critiqué la frappe israélienne, mais il a exprimé l'humeur politique des États-Unis lors d'une conférence de presse en Italie vendredi, en déclarant : "Tout ce que je peux dire, c'est que pour notre part et pour l'ensemble du G-7, nous nous sommes concentrés sur la désescalade et sur la prévention d'un conflit plus important. La désescalade est la priorité absolue de cette administration. "

La question est de savoir si cette réponse prudente d'Israël aura l'effet dissuasif approprié. La réaction immédiate de l'Iran a été de nier tout dommage et de dire qu'il n'avait pas l'intention d'escalader le conflit. Mais les dirigeants de Téhéran savent qu'ils ont franchi une ligne rouge en attaquant directement Israël il y a une semaine. Israël et ses amis ont dû déployer des ressources considérables pour intercepter la quasi-totalité des quelque 300 missiles et drones lancés dans cette attaque. Et l'Iran ne paie aucun prix significatif pour cela.

Les nouvelles sanctions annoncées par les États-Unis cette semaine sont largement dénuées de sens. Elles visent les Iraniens impliqués dans le programme de missiles du pays qui n'ont pas de comptes bancaires à l'étranger. Mais ces sanctions ne touchent pas ce qui importe vraiment au régime, à savoir ses exportations de pétrole, qui lui rapportent entre 36 et 40 milliards de dollars par an. Cela s'inscrit dans la stratégie de M. Biden, qui consiste à essayer de ne pas provoquer Téhéran, même au prix d'une limitation de la dissuasion.

L'Iran conserve la capacité de frapper Israël, seul ou par l'intermédiaire de mandataires, au moment de son choix. Plus important encore, il continuera à progresser secrètement dans son programme d'armement nucléaire. L'Iran a déjà enrichi suffisamment d'uranium, et s'est suffisamment rapproché de la qualité militaire, pour pouvoir se lancer dans la fabrication d'une bombe dès qu'il aura la capacité de la transformer en ogive. Ses missiles à moyenne portée pourraient l'acheminer.

Personne ne devrait être surpris si l'Iran annonce, tôt ou tard, qu'il est doté d'une capacité nucléaire. La menace qu'il fait peser sur la région, et même sur les États-Unis, atteindra alors un tout autre niveau. L'Iran pourrait alors estimer qu'il peut lancer ses mandataires, ou ses propres missiles, contre Israël sans crainte de représailles.

Tout cela devrait inciter M. Biden et le G7 à abandonner enfin leur stratégie d'apaisement à l'égard de Téhéran. Les ministres des affaires étrangères du G7 ont publié vendredi une déclaration réitérant leur "détermination à ce que l'Iran ne développe ni n'acquière jamais d'arme nucléaire. Nous demandons instamment à l'Iran de cesser et d'inverser l'escalade nucléaire et de mettre un terme aux activités d'enrichissement de l'uranium signalées par [l'Agence internationale de l'énergie atomique], qui n'ont aucune justification civile crédible et qui présentent des risques de prolifération importants. Téhéran doit inverser cette tendance et s'engager dans un dialogue sérieux...".

Vous pouvez imaginer les sourires avec lesquels ces ordres "doit inverser" et "engager un dialogue sérieux" ont été reçus à Téhéran. Les dirigeants du G7 ont montré qu'ils pouvaient dissuader Israël. Vont-ils enfin faire quelque chose de sérieux pour dissuader l'Iran et arrêter son programme nucléaire ?

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Références :

Israel’s Careful Strike Against Iran, traduction Le Bloc-note

Par la Rédaction du Wall Street Journal 19 avril 2024