Apartheid/dhimma dans la vie quotidienne au Pakistan
La loi sur le blasphème
• Suite à la partition de 1971 avec le Bangla Desh, l’islam est promulgué religion d’État en 1973. En 1986 entrent en application la législation sur le blasphème amendée par Zia ul-Haq avec l’ajout de plusieurs articles dans le Code pénal de 1860, dont l'article 295-C. Il punit les «remarques désobligeantes envers le Saint Prophète». Quiconque «profane le nom sacré du Saint Prophète Mahomet (paix à son âme) sera puni de mort ou emprisonné à vie et devra payer une amende.»
• En 2011, l'assassinat du gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, tué pour avoir pris la défense d'Asia Bibi, puis le meurtre du ministre catholique des minorités religieuses, Shahbaz Bhatti, ont étouffé toute velléité de débat sur la législation sur le blasphème. Le climat autour de ce thème s'est même durci.
• Quand l’avocate Aneeqa Maria Anthony plaide contre une accusation de blasphème, elle le fait par écrit, en tendant des bouts de papier au juge Un stratagème lui permet d’éviter d’être elle-même accusée de blasphème par les militants religieux qui cherchent à l’intimider dans la salle d’audience : elle lit à voix haute des sourates du Coran. «Cela vous donne une idée du climat actuel », dit-elle.
• « Nous vivons une époque où tout est blasphème, la loi est sujette à des centaines d’interprétations. J’en suis au point où j’interdis à mes enfants d’avoir un compte Facebook, de peur qu’ils ne partagent, qu’ils ne «likent» quelque chose qui à terme sera interprété comme insultant vis-à-vis de l’islam.»
• En mars 2014, Sawan Masih, 32 ans, balayeur de rue chrétien , a été condamné à mort pour blasphème après une discussion arrosée avec un collègue musulman. «Je leur dis : drogué ou ivre, ta langue fourche plus facilement. Que feras-tu si on t’accuse de blasphémer ? Regarde ce qui est arrivé à Sawan» explique un élu.
• Un policier pakistanais a tué, avec un couteau de boucher, un homme acquitté il y a plusieurs années par un tribunal d'une accusation de blasphème, a annoncé la police samedi. Waqas Ahmed avait été jugé en 2016 pour blasphème après une publication sur Facebook, mais le tribunal l'avait acquitté. Le policier, Abdul Qadir, décrit comme n'ayant jamais accepté ce verdict, l'a attaqué vendredi soir, armé d'une feuille de boucher, dans la ville de Rahim Yar Khan, dans la province du Penjab. Ce policier «prévoyait de l'attaquer depuis 2016, l'accusant d'avoir manqué de respect au prophète Mohammed», a expliqué à l'AFP un responsable de la police, Rana Muhammad Ashraf. (juillet 2021)
La vie de tous les jours au Pakistan
• Nour Afzal Abasi, 25 ans, est chanceux : son commerce, qui donne sur la très large Circular Road, profite du flux de la gare routière toute proche. Alors, quand un adolescent à la mine studieuse s’attable au comptoir cet après-midi-là, parmi d’autres clients, il le sert sans distinction. Mais lorsque le jeune homme s’éloigne, Nour jette son verre d’un mouvement sec dans une benne à ordure. Le motif lui paraît évident : le client était chrétien, « cela se voit à son teint et son attitude, détaille-t-il d’un air gêné. Je n’ai pas voulu lui faire de peine, j’ai attendu qu’il parte. Mais par respect pour la clientèle, je ne peux pas servir un verre souillé de la bouche d’un chrétien.» (2019)
• On qualifie fréquemment ici les chrétiens de chouras, soit «intouchables», «dégoûtants» en ourdou, la langue officielle de ce Pakistan dont le nom signifie le «pays des purs».
• Selon une commission dépendant du ministère des Droits de l’homme pakistanais, chaque année, au moins 1 000 jeunes filles chrétiennes, mais aussi hindoues, sont forcées de se convertir à l’islam et d’épouser leurs ravisseurs sous la contrainte, bien que la loi interdise cette pratique.
• L’affaire Asia Bibi ayant porté un coup cinglant à l’image du pays à l’étranger, l’État rappelle que malgré la prévalence d’un islam souvent radical, il autorise les chrétiens à bâtir des églises et à célébrer leur culte. Entre 2013 et 2017, cinq attentats majeurs ont ciblé les lieux de culte chrétiens.
• «Balayer le sol, nettoyer les égouts sont des tâches que les Pakistanais musulmans, particulièrement au Pendjab, qui reste très empreint de culture indienne, considèrent comme indignes.» Dans les journaux, il est courant de tomber sur des annonces d’employeurs recherchant des éboueurs «non-musulmans». Ceux en quête de cuisiniers ou de nounous ciblent à l’inverse des «musulmans» : s’il y a de la cuisine à faire, de la nourriture à proximité, ou de l’eau, les chrétiens sont écartés.
• L’avocate Aneeqa Maria, déjà citée, a bénéficié du très réputé réseau d’écoles et lycées privé hérité de la présence missionnaire comme des milliers de femmes de l’élite chrétienne. Quelque 90 % des élèves de ces établissements, qui continuent de voir défiler l’élite pakistanaise, sont musulmans.
2) Le cas des pays abritant toujours une minorité non-musulmane significative
A l’inverse, il y a des pays musulmans où la proportion des non-musulmans, bien qu’en recul, n’est pas négligeable
Pays ayant conservé une minorité chrétienne significative
Le droit des personnes et l’appareil judiciaire de ces pays, en conformité avec la doxa internationale sur les droits de l’homme, se gardent bien de formaliser les inégalités et les crimes d’apartheid hérités de la dhimma. Mais ils se poursuivent car après tant de siècles, ils demeurent inscrits dans la culture autochtone. Et les édifices, les cérémonies cultuelles, et la présence physique des adeptes des religions falsificatrices réactivent en permanence les violents préjugés de la majorité musulmane.
Du fait de son effectif et de son ancienneté l’exemple de la minorité copte en Égypte est particulièrement instructif des crimes et des discriminations infligées aux minorités chrétiennes.
Apartheid/dhimma dans la vie quotidienne en Égypte
Discriminations courantes
• La constitution stipule que "l'islam est la religion de l'État... et les principes de la charia islamique sont les principales sources de la législation," tout en reconnaissant l’égalité des citoyens devant la loi. Elle criminalise la discrimination et "l'incitation à la haine" fondée sur "la religion, la croyance, le sexe, l'origine, la race... ou toute autre raison."
• Toutes les écoles d'Égypte abritent une mosquée, mais jamais un espace dédié au culte chrétien ;
• Le Coran est souvent utilisé comme manuel d'enseignement de l'arabe, y compris pour les élèves chrétiens;
• La langue arabe est enseignée exclusivement par des professeurs musulmans ;
• L'État contrôle méticuleusement les patrimoines fonciers, mobiliers et immobiliers des chrétiens ;
• Un musulman qui se convertit au christianisme perd de nombreux droits en matière d'héritage et de garde des enfants. La police est souvent violente avec lui. Par contre un chrétien qui se convertit à l'islam est bien traité ;
• Les Coptes qui commettent des crimes contre les musulmans sont punis bien plus sévèrement que les musulmans dans le cas inverse ;
• Les Coptes ne peuvent pas s'inscrire à Al Azhar, l'université islamique renommée ;
• La langue copte n'est pas enseignée à l'université ;
• Il n'y a très peu de Coptes à l'Assemblée nationale, peu de Coptes dans les administrations, et aucun au grade d'ambassadeur ou de doyen d'université ;
• La loi égyptienne réserve aux Coptes 5 % des emplois de la police et de l'armée, mais leur nombre réel est bien inférieur, d'environ 1,5%, alors que ces chrétiens font au moins 10% de la population; très peu de Coptes peuvent accéder aux académies de l'armée et de la police
• Très peu de Coptes sont autorisés à travailler dans le domaine des sciences ;
• Sur 540 footballeurs professionnels, un seul est chrétien ;
• Selon des sources coptes des centaines d'entre eux auraient été tués par des musulmans ces 30 dernières années, mais leur dénombrement exhaustif est impossible ;
• En principe, les Coptes ne sont pas autorisés à construire des églises, ni à effectuer des ravalements. Il leur faut obtenir une permission délivrée par le Président de l'État en personne, ce qui prend des années; la loi de 2016 est censée faciliter les constructions et les réhabilitations ;
• La loi de 2016 sur la légalisation des églises sans licence a abouti à la fermeture au moins transitoire de nombreuses églises ;
• La loi de l'État égyptien interdit aux musulmans l'apostasie. Les Coptes subissent en conséquence une propagande agressive qui les accuse de vouloir convertir les musulmans, et de cacher les convertis dans les églises ou les monastères. La rumeur d'une conversion au christianisme est suffisante pour déclencher des troubles graves comme l'agression de Coptes ou l'attaque d'édifices religieux par une foule déchainée en recherche de la cache du suspect.
• Quand la tension monte autour d’un édifice religieux chrétien, une commission de conciliation est créée qui aboutit généralement à la fermeture de cet édifice.
Exemples d’exactions dans la période 2006-2011 de montée de l’islam radical en Égypte
Dans cette période le pays connait une montée de l’islam radical sunnite qui conduira à la prise de pouvoir des Frères musulmans sous la houlette de Mohamed Morsi en 2012
2006
• 18 janvier, le village d'al-'Adisat, Louxor. Des milliers de musulmans attaquent des coptes qui avaient transformé une maison en église. Deux morts, des dizaines de blessés, église et maisons brûlées.
• 21 février, village d'al-Ayat, Gizeh. Des musulmans attaquent des coptes, 40 blessés, l'église est brûlée.
• 14 avril. Un copte est poignardé, ce qui déclenche trois jours d'affrontements sectaires au cours desquels 21 personnes sont tuées et trois églises sont attaquées.
• 21 octobre, Alexandrie. Un affrontement éclate entre musulmans et chrétiens, les musulmans étant irrités par la distribution d'un film qu'ils considèrent comme offensant ou désobligeant envers les musulmans.
2007
• 12 février, Armant. Des groupes de musulmans égyptiens mettent le feu à des magasins appartenant à des chrétiens après avoir entendu des rumeurs sur une relation amoureuse entre une musulmane et un copte.
• 11 mai, al-Ayat, Gizeh. Des musulmans agressent les résidents coptes, 20 blessés.
2008
• Plus de 70 attaques contre des coptes ont été enregistrées en 2008... Même les chrétiens qui prient dans leur maison sont parfois agressés.
• 29 mai 2008. Quatre coptes ont été tués lors d'un vol de bijoux au Caire. Selon la police, une cellule présumée d'islamistes était responsable de l'attaque.
• 31 mai, Minya. Un groupe important de Bédouins musulmans armés d'armes automatiques assaillent des moines et des ouvriers sur des terres bordant le monastère d'Abu Fana, que les moines cultivent. Au cours de l'attaque, un musulman est mort, trois à sept chrétiens ont été blessés, et plusieurs moines ont été enlevés et maltraités.
• 21 juin, Fayoum. Cinq personnes sont blessées lors d'une manifestation après la conversion d'une femme copte à l'islam.
2009
• 18 avril, village de Hagaza, Qena. Des hommes armés musulmans ont tué deux coptes et en ont blessé un alors qu'ils quittaient l'église après un service de Pâques.
• 21 juin, le village d'Ezbet Boushra-Est (sud de l'Égypte). Des maisons sont détruites car on soupçonne qu'une messe est secrètement célébrée au domicile d'un prêtre.
• 21 novembre, les villages de Farshoot, Kom Ahmar, Shakiki et Ezbet Waziri. À la suite d'informations faisant état d'abus sexuels commis sur une fillette musulmane (âgée de 12 ans) par un copte de 21 ans (qui a ensuite été arrêté), des musulmans ont attaqué des chrétiens et ont pillé, vandalisé et brûlé des biens. De nombreux coptes pensent que les musulmans ont utilisé l'incident de viol présumé comme prétexte pour déclencher des violences à leur encontre.
2010
• 6 janvier, Naga' Hammadi. Attaque contre des coptes qui sortaient de l'église après la prière, la veille de Noël. 7 morts, 9 blessés, et des émeutes se propagent dans la région.
• 13 mars, dans la province de Mersa Matrouh. 24 blessés lors d'affrontements entre chrétiens et musulmans. Les combats ont éclaté lorsque des habitants musulmans ont commencé à lancer des pierres sur des ouvriers chrétiens qui, selon eux, construisaient une église. On estime à 400 le nombre de personnes impliquées dans ces affrontements, qui ont abouti à l'arrestation de vingt musulmans et chrétiens.
2011
• 1er janvier, Alexandrie. Une voiture explose près de l'église al-Qiddisin après la messe de minuit du Nouvel An, 21 morts, des centaines de blessés. Plus tard, le conseil militaire - qui a pris le pouvoir en février - a été accusé d'avoir enterré l'affaire. Cet événement a constitué un choc majeur pour la communauté copte en Égypte et à l'étranger.
• 7 mars, village de Soul, Hilwan. 11 morts, 90 blessés, église incendiée.
• 23 mars, Kena, un copte est attaqué par des musulmans salafistes et son oreille est coupée pour avoir eu des relations avec une fille musulmane.
• 18 avril, Minya, Abu Karkas. Maisons de coptes brûlées, un mort.
• 28 avril. Les musulmans de Kena manifestent contre la nomination d'un copte au poste de gouverneur du district.
• 7 mai, Imbaba, Le Caire. 15 personnes tuées, des centaines de blessés, une église brûlée.
• 19 mai, 'Ayn Shams. Affrontements entre coptes et musulmans qui s'opposaient à la réouverture de l'église de la Vierge.
• 29 juillet, Minya, Ezbet Yacoub à Samalout. Violences en raison de l'installation d'une cloche d'église, 8 blessés.
III - Réflexion d’étape
Rien ne serait plus stérile qu’une culture du ressentiment et de la dénonciation qui s’opposerait en miroir aux crimes de masse historiques imputables à certains musulmans au nom d’un certain islam. Une importante fraction de l’humanité se dit et se ressent musulmane, mais cette étiquette religieuse recouvre une infinité de perceptions radicalement contradictoires, de l’humanisme le plus raffiné à la rage aveugle du djihadiste levantin, pashtoune ou gazaoui. D’ailleurs, la culture ordinaire des masses musulmanes des zones où différentes formes d’islam se sont imposées par la conquête est profondément différente de celle des espaces asiatiques où le troisième monothéisme a été introduit par la prédication.
La diversité des musulmans comme population se double d’une formidable diversité de l’islam-religion comme de l’islam-civilisation. Outre les école juridiques sunnites, il y a les variantes chiites, le kharidjisme et d’innombrables religions proto ou para islamiques intégrant la prophétie de Mahomet (Ahmadiies, Alaouites, Baha’is, etc.). Dans ce fonds inépuisable il y a place pour une multitude de visions eschatologiques et une multitude de commandements divergents.
Ce qui marque notre époque, c’est la montée en puissance de plusieurs courants révolutionnaires musulmans influents à finalité exclusivement politique ou militaire. En gros le courant khomeyniste, les Frères musulmans et les salafistes jihadistes. Ces mouvements ont pour agenda la prise du pouvoir par tous moyens et la transformation des sociétés capturées en autocraties. Leur affichage ostentatoire de leur version de l’islam n’est que le moyen d’octroyer à leur entreprise une légitimité, des financements et une assise populaire inépuisable. En réactualisant sans cesse les productions théologiques dominatrices qui ont accompagné les conquêtes de l’islam, ils jouent la carte du conflit tribal, régional, national, de civilisation.
Le meilleur service qu’on puisse leur rendre c’est de légitimer leurs appropriations, celle du nom de musulman et celle de la vraie foi islamique, en accusant abstraitement « l’islam » et « les musulmans » d’aujourd’hui des legs de l’histoire ou des forfaits de ces minorités agissantes particulièrement cruelles de notre époque.
Ces courants trouvent désormais face à eux de courageux intellectuels et des leaders politiques musulmans qui prennent le contrepied de l’islam révolutionnaire contemporain en s’attaquant à ses références doctrinales enfouies dans la théologie des premiers temps.
Parmi les intellectuels ou théologiens de France, citons Omero Marongiu-Perria, Mohamed Louizi, Gahleb Bencheikh, Hakim El-Karoui, Abdennour Bidar, etc. dont les travaux témoignent d’une capacité critique et d’une lucidité souvent remarquables.
Parmi les hommes de pouvoir qui bousculent les doctrines rancies, le président égyptien Abdel Fattah Sissi qui posait un diagnostic magistral devant l’université Al Azhar au Caire en janvier 2015 :
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