Mohammad Al-Issa a été nommé à la tête de la Ligue
islamique mondiale par le prince héritier Mohammad ben Salman (MBS) il y a plus
de deux ans. Sa mission consiste a purger la Ligue islamique mondiale, l'un des
véhicules les plus pernicieux de l'extrémisme wahhabite à partir des années 80,
de son approche fondamentaliste et littéraliste de l'islam. Il y a de la sincérité
dans cet homme. Dès 2012, alors qu'il était imam et ministre saoudien de la justice, il
n'avait pas hésité à se démarquer du clergé wahhabite, affirmant courageusement
que " le salafisme n'était qu’une approche de l’islam, pas tout
l’islam." Quelle que soit la part inévitable du calcul politique, que le
texte ait été davantage diffusé en anglais qu'en arabe, un appel aussi déterminé au
rejet du négationnisme par les musulmans ne peut qu'améliorer les rapports
entre juifs et musulmans dans le monde et inaugurer peut-être un recul de
l'enseignement du mépris en Islam. Il confirme aussi le tournant idéologique de
l'Arabie saoudite amorcé par le prince héritier depuis son arrivée aux affaires. C'est là une véritable révolution en gestation dans l'islam mondial. (NdT)
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Mohammad al-Issa |
Il y a soixante-quatorze ans, les
portes du camp de la mort d'Auschwitz ont été abattues, et les nazis ne pouvaient
plus dissimuler leurs crimes odieux. Cependant, des décennies durant, il y a
des gens qui ont choisi de ne pas voir ce qui s'est réellement passé là où le
pouvoir était exercé par les nazis et leurs hommes de main. Ils préfèrent nier les
horreurs d'un plan diabolique visant à matérialiser l'idée haineuse de pureté
raciale qui a finalement conduit au massacre de millions d'hommes, de femmes et
d'enfants innocents - dont six millions de Juifs.
Mais nier cette circonstance
historique n'a profité qu'à ceux qui continuent à perpétrer des idées haineuses
de pureté raciale, ethnique ou religieuse, comme les assassins génocidaires du
peuple Rohingya au Myanmar, également connu sous le nom de Birmanie. Les leçons
de la Shoah sont universelles et les musulmans du monde entier ont la
responsabilité d'en tirer les leçons, de prendre en compte leurs mises en
garde, et de se joindre à l'engagement international de faire en sorte qu'il
n'y ait "plus jamais ça".
Il y a un an, à l'approche de la
Journée internationale de commémoration de la Shoah, j'ai écrit une lettre à
Sara Bloomfield, directrice du Mémorial américain de la Shoah, au nom de la Ligue
islamique mondiale, une organisation qui représente plus d'un milliard de
musulmans des quatre coins du monde. Dans cette lettre, j'exprimais "notre
grande sympathie aux victimes de la Shoah, un événement qui a ébranlé
l'humanité jusqu'au plus profond d'elle même et qui a abouti à un drame dont l'horreur
ne peut être niée ou sous-estimée par toute personne juste et éprise de
paix".
J'ai ajouté : "Le véritable Islam
est opposé à ces crimes. Il les classe au plus haut degré des sanctions pénales
et parmi les pires atrocités humaines jamais commises. On se demanderait quel
individu sain d'esprit, accepterait, sympathiserait ou même atténuerait
l'ampleur de ce crime brutal ? Nous considérons toute négation ou minimisation
des effets de la Shoah comme un crime visant à déformer l'histoire et une
insulte à la dignité des âmes innocentes qui ont péri. Ce serait aussi un
affront pour nous tous, car nous partageons la même âme humaine et les mêmes
liens spirituels."
Cette lettre, qui a été
immédiatement publiée en arabe et en anglais sur le site Internet de la Ligue
islamique mondiale, a déclenché une prise de conscience historique de la
tragédie de la Shoah. J'ai reçu un flot d'appels, de messages, de courriels et
de lettres d'érudits religieux musulmans qui appuyaient mon point de vue. Pas
un seul érudit de bonne réputation ne s'est levé pour s'opposer à ce point de
vue. Nul ne pouvait contester l'indiscutable.
Puis, en mai, je suis venu à
Washington pour visiter le Musée commémoratif de la Shoah. Alors que le conservateur
m'accompagnait tout au long de l'exposition, j'ai vu de mes propres yeux les
montagnes de preuves - les vidéos, les photos, les pancartes, les interviews,
les souvenirs - qui témoignent de la vérité historique de l'Holocauste. Il
n'est pas nécessaire d'aller au Musée pour reconnaître l'énormité de la Shoah,
mais personne ne peut la nier. Cela reste l'une des expériences les plus
puissantes et les plus émouvantes de ma vie.
J'exhorte tous les musulmans à
apprendre l'histoire de la Shoah, à visiter les monuments commémoratifs et les
musées de cet horrible événement et à en enseigner les leçons à leurs enfants.
En tant qu'adeptes d'une foi attachée à la tolérance, à la coexistence et au
respect de la dignité de l'humanité tout entière, nous partageons la
responsabilité d'affronter ceux qui porteraient aujourd'hui le flambeau d'Adolf
Hitler, et de nous joindre aux personnes de bonne volonté de toutes les nations
et religions pour prévenir un génocide partout où il menace des vies
innocentes.
Nous ne pouvons le faire que si
nous sommes armés de la vérité. Nous, musulmans, partageons le sentiment
exprimé par Elie Wiesel dans les mots gravés dans la pierre sur les murs du
Musée de la Shoah : "Pour les morts et les vivants, nous devons
témoigner."
Comme l'ordonne le Saint Coran, "Ô vous qui croyez, soyez
dignes de Dieu et portez témoignage avec justice !"
En ce jour sacré du Souvenir,
soyons tous témoins de la justice.
Titre original : Why Muslims from around the world shouldremember the Holocaust
Auteur : Mohammad Al-Issa
Date de première parution: le 25 janvier 2019 in The Washington Post
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
Un grand pas vers la vérité dans un monde musulman dominé et bloqué par la propagande antisémite qui interdit toute évolution des mentalités vers la paix.
RépondreSupprimerUn souffle d'espoir qui témoigne de l'ouverture d'esprit d'un courant de l'Islam et de sa volonté de réconcilier définitivement les fils d'Abraham.
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